Féminisme radical : au-delà des identités et des genres[1]

«The commitment to ending male dominance as the fundamental psychological, political, and cultural reality of earth-lived life is the fundamental revolutionary commitment. It is a commitment to transformation of the self and transformation of the social reality on every level. »

Andrea Dvorkin [2]

  Radical, oui. 

Le féminisme radical est rébellion. Insurrection.

Être radicale c´est extirper dans le discours, dans la théorie et dans l´action le virus mortel du patriarcat qui n´a de cesse de se propager, de s´infiltrer dans les mouvements des femmes, de proliférer dans la condescendance face à la violence, dans l´appui à la prostitution et le trafic des corps féminins, devenus des marchandises.

Les féministes radicales sont des « monstres », décriées par le sens commun. Car être radicale, c´est ne pas accepter l´intromission des hommes dans les objectifs des féminismes, ne pas se plier non plus aux compromis « acceptables » et se moquer éperdument du « politiquement correct ».

Être radicale, c´est penser à l´intégrité, à la sécurité, à la dignité des femmes contre les virus mortels du patriarcat qui ne cessent de se propager, de proliférer dans la complaisance devant la violence, la condescendance vis-à-vis de la prostitution, le marchandage et le trafic des corps féminins.

Ce qui n´est pas acceptable pour le patriarcat c´est la capacité d´indignation des féministes radicales, de révolte, de refus de cette violence quotidienne contre les femmes, matérielle et symbolique.

Car, s´il y a une progression certaine du statut des femmes dans les pays occidentaux, la citoyenneté n´exclut pas l´infériorisation sociale et économique. Le patriarcat change sa face, mais maintien ses tentacules car, tel le capitalisme, il se transforme pour mieux dominer.

Être radicale c´est maintenir vifs le courroux et l´esprit critique, défier les stratégies doubles, dénoncer la sexualisation exacerbée, nouveau carcan sous l´apparence de « liberté ».

C´est ainsi qu´être appelée féministe radicale, est devenu une insulte puisque on ne doit pas braver impunément l´ordre du père.

Mais ce radicalisme, comme le pratiquaient les féministes des années 1980, c´est aussi montrer les racines de la hiérarchie dite « naturelle » entre les sexes. En effet, c´est autour du biologique, du génital, de la sexualité et la procréation que s´édifient les monuments du patriarcat, en l´honneur du masculin et de son symbole majeur, le pénis.

Si les féministes ont cherché à démontrer l´économie du « naturel », de nos jours les masculinismes, les transativistes enragés, les transgenres ne font que réaffirmer l´ordre du sexe en tant que clef identitaire. Changer de sexe c´est toujours se plier au sexe, et s´insérer dans un monde inchangé dans son binarisme. C´est encore le biologique qui prend possession des corps construits, puisque ce faisant on ne largue pas les amarres au sexe et à la sexualité.

Ainsi s´exprime Sheila Jeffreys:

« I consider sexualisation to be an unhelpful term because it suggests that ‘sex’ may be a bad thing in and of itself. The problem is the pornographication of culture and sexuality, and women’s bodies, or the creation of cultures of prostitution. The sex industry constructs a sexuality in which women are holes or canvasses for male ejaculation. It portrays women as naturally sexually subordinate and loving abuse. The codes of the industry, women as partially or completely naked, wearing slut pumps (high heeled shoes that are torture implements and excite men’s sadism), and wearing black leather, studs, piercings, extend now to the music, entertainment and fashion industries as porn becomes a hugely successful industry. » [3]

Ce qu´on perçoit actuellement, c´est une sollicitude et une condescendance vis-à -vis des « nécessités » du masculin, que ce soit par rapport à la prostitution ou bien vis-à-vis des hommes qui se « sentent » femmes et s´immiscent dans les rencontres féministes, en imposant leur parole. Et on y retrouve toujours le sexe, la possession, l´exercice du pouvoir. Les fissures se creusent au sein du féminisme, qui se laisse envahir par un patriarcat insidieux, portant le déguisement de collaboration ou de liberté.

Où est passé le profond désir de changement des relations sociales dès lors que “l´homme lesbien” [4] exige des droits, que les hommes réclament le privilège de jouir de « leur pute », [5] que les proxénètes s´appuient sur des féministes pour affirmer leur titre « d´entrepreneurs » ?

Le féminisme radical s´insurge contre ces arrangements du patriarcat dont les méandres enlisent encore plus les savoirs censés être libertaires. Le féminisme radical dénonce l´imposture sociale qui octroie des droits aux femmes, tout en les gardant sous la tutelle du sexe, du ventre, de la sexualité devenue souveraine au profit du masculin, de l´ordre aux trois P : père, patriarcat, pénis.

Il est courant d´entendre, même entre les femmes, que le féminisme est fini.

Toutefois on ne voit qu´un patriarcat changeant de forme, mais toujours aussi puissant. Là où il se trouve, nous entrons en lice.


 

 

[1] Publié dans le livre « Féminisme radical » tania navarro swain, sur www.Amazon.com

[2] Andrea Dvorkin. 1974. Woman Haiting , New York: Plume Book, Penguin Group

[4] Maintes groupes de lesbiennes reportent la présence agressive des ] « trans » qui veulent avoir de relation sexuelles avec elles, en se disant « femmes ». On arrive ainsi à l´absurde imposition du sexe masculin dans des espaces réservés aux femmes par définition.