décembre 2013

Prostitution : non, ce n´est pas une profession, ce n´est pas un travail.

tania navarro swain

 

Qui est intéressé par le maintien de la prostitution munie d´une façade légale, une « profession » ? Qui  peut être intéressé, en fait, par l´existence même de corps disponibles à l´achat et à la vente, sur un marché en expansion ? La question cruciale demeure celle de la demande, c´est la loi du pénis qui s´impose encore une fois, car les seuls à en bénéficier sont les hommes, en tant que proxénètes ou clients.

Les femmes en état de prostitution n´auront pas plus de statut social avec une  légalisation  en tant que « profession ». Mais l´opprobre ineffaçable  qui accompagne la prostitution n´éclabousse pas les clients ;  eux sont à l´abri de la condescendance sociale, issue d´un pacte « entre hommes », qui transforme les femmes en proie et en objet sexuel, malgré elles.

La prostitution est un des panneaux du système de contrôle et de domination des femmes. Lorsqu´une partie de la population féminine est destinée à l´utilisation sexuelle pour les hommes, et institutionnalisée, ceci réaffirme le destin des femmes en général et leur soumission en particulier : c´est en fait la marque de l´assujettissement de l´ensemble des femmes, selon l´Ordre du Pénis, du Père, du Patriarcat. La prostitution ne relève  donc pas d´une problématique individuelle, mais c´est un rouage du système qui impose la volonté du mâle sur l´ensemble de la société. La prostitution n´est qu´une affaire de contrôle, où le binaire hétérosexuel s´affirme et s´enracine.

Il y a une proposition simpliste, ingénue ou de mauvaise foi qui présente la prostitution comme un fait de choix, de liberté. Tombe ainsi dans l´oubli tout le système d´exploitation et de réduction des femmes à leurs corps, de cavités à être remplies de gré ou de force ; ainsi disparaît toute une symbolique et toute la littérature féministe qui analyse la transformation des femmes en proies, donnant aux hommes le droit de les posséder.  

 La liberté dans la prostitution c´est celle des hommes d´exercer leur pouvoir sur les femmes, d´imposer leur sexe et leur loi.

La prostitution des femmes est, dans l´imaginaire patriarcal, une donnée « naturelle », de la même façon que la maternité serait un destin « naturel », toutes deux propositions conduisant à l´élémentaire réduction des femmes à des outils au bénéfice des hommes : elles auront leurs enfants et leur assureront leur plaisir.

L´image de la prostituée éclabousse toutes les femmes,  les réduisant à des  corps disponibles au désir sexuel et à l´envie de domination qui habite les hommes. C´est ainsi que les guerres apportent le viol des femmes comme récompense aux guerriers triomphants et qu´une femme seule ne peut être libre de ses mouvements et du choix de ses chemins sans courir le risque de rencontrer un violeur à l´affût.

« La plus veille profession du monde » [1]est une phrase sans aucune base historique et qui tient le rôle d´une justification de l´existence de la vente et de l´achat des femmes. En histoire, on ne peut rien  affirmer hors d´un cadre d´analyse  précis ( et encore !) : la vente des femmes à des fins sexuelles, est construite ponctuellement et ne constitue pas une donnée naturelle du social.[2]  Mais tout se passe dans le discours et dans des analyses récurrentes, comme si la prostitution était un « mal nécessaire », condamnée  mais tolérée quand même, étant donné les « besoins » des hommes. C´est ainsi que les « clients » ne sont jamais mis en cause, car ils ont un droit implicite sur les corps des femmes.

                                    Liberté

Il est intéressant de souligner la contradiction des discours : le masculin, détenteur « unique » de la raison s´avoue dominé par l´instinct sexuel et ses « besoins » incontournables au dépens des femmes.

Il y aura toujours la prostitution, disent-ils, pour justifier  leurs pulsions, sous prétexte de liberté de choix pour les femmes. Il faut être très ingénu(e) pour ne pas percevoir qu´il y a ici inversion des termes : ce n´est pas de la liberté des femmes de se prostituer dont on parle, mais de la liberté des hommes de les prostituer.

Quelle est la liberté des femmes en état de prostitution? Leurs corps n´ont plus d´intégrité, elles sont décomposées en parties plus ou moins désirables ;  le psychique n´existe pas, tout se passe comme si ces femmes étaient absentes de leur matérialité pour supporter l´invasion de leurs corps. Cette « liberté » de choisir peut – tout est possible-  être exercée par certaines au niveau individuel, très rares, qui consentent à se faire traiter comme des déchets, ou bien encore qui affirment avoir choisi cette « profession » pour créer un semblant de la dignité qui leur est niée.

Cependant, lorsqu´une femme en état de prostitution se vante de son « travail » je me demande dans quel abîme de malheur elle se trouve pour revendiquer le droit d´être des latrines. Il n´y a pas besoin de Freud pour comprendre qu´elle tente de se donner une importance, une affirmation psychologique pour ne pas tomber plus bas dans l´échelle des choses, car l´humanité s´arrête là où elle devient trou pour satisfaire la bestialité d´autrui.

Il tombe sous le sens qu´on ne peut pas utiliser cela comme argument – « le choix » - pour défendre la prostitution en tant que travail. En fait, il y a une fausse polémique là-dessus, car ce qui la provoque est la profonde incompétence d´imaginer les conditions de vie des femmes en état de  prostitution et de comprendre les structures du patriarcat qui s´y construisent.

On ne peut pas être féministes et appuyer la prostitution – quel qu´en soit le motif -, car les féminismes oeuvrent et luttent pour la promotion des femmes, pour augmenter leur auto-estime, leur indépendance, pour leur assurer le droit d´être des sujets politiques.

Il ne faut surtout pas confondre la légalisation de la prostitution avec cette promotion. Au contraire, cela stimule le trafic des femmes et des filles, - nos filles - pour assouvir des désirs infects et surtout le désir de pouvoir masculin sur la moitié de l´humanité. Car, comme on le sait, « on ne naît pas femme, on le devient » et de la même façon, on ne choisit pas d´être prostituée, on le devient par la force, la violence, ou l´assujettissement  à des injonctions sociales perverses : l´inceste, l´abus, la drogue, le viol, la pauvreté, la menace, le harcèlement, l´impuissance face à un système écrasant.

Il y a comme une sorte d´aura autour de la prostitution, comme un attrait pour la déchéance, l´avilissement lorsque des féministes affirment : «  c´est une profession ». C´est une des formes les plus insidieuses de l´assujettissement, celle d´approuver ou encourager la prostitution des femmes sous prétexte de « liberté ». Comment peut-on justifier l´achat et la vente des corps humains si l´on ne parle pas d´esclavage?

Les femmes mises en état de prostitution deviennent des sexes, pas des êtres humains. Est-ce ça la définition de travail, de profession ? Abandonner la totalité  de son corps pour en devenir une partie ? C´est dans le sexe que le patriarcat veut définir les femmes, c´est dans le sexe qu´il veut maintenir un contingent de femmes pour les utiliser à volonté. Quel est le progrès de la situation des femmes dans le social lorsqu´on accepte le droit des « clients » sur celles qu´ils ont prostituées ?

Dans les « abattoirs » de Marseille, Jeanne Cordelier, femme qui a subi pendant des années l´état de prostituée, révèle une moyenne de 80 clients par jour. [3] Comment classifier la barbarie des hommes qui se relaient pour pénétrer un corps tant de fois malmené, souillé, malade d´ abjection? Comment classifier également les hommes qui se mettent à trois, six, dix, pour violer des femmes, des petites filles, des adolescentes ? Ce n´est pas de la bestialité, finalement, car les bêtes ne font pas ça.

La prostitution n´est en fait qu´une « livraison » des femmes aux hommes et à toutes leurs perversités et leurs violences, puisqu´elles ne deviennent que des corps matériels, sans sentiment, sans émotion, sans dignité, sans rien qui puisse sous-tendre l´idée d´un être libre.

 Liberté, le bien le plus précieux de l´humain, ne peut pas signifier se plier à tous les désirs d´autrui moyennant payement, car les corps ne sont pas des biens à être vendus, loués, consommés. Sauf en cas d´esclavage.

 La revendication « mon corps m´appartient »  - en tant qu´adage féministe - est déviée pour servir, en fait, l´Ordre du pénis, du mâle ; au lieu de libérer, la prostitution enchaîne les femmes à un corps devenu uniquement trous, humeurs, marchandise, matérialité brute, servant à assouvir les désirs de la puissance masculine. Car acheter et se vautrer sur le corps de quelqu´un n´est pas un plaisir sexuel, c´est un plaisir de domination, un acte qui marque la supériorité et le pouvoir.

Aider les femmes en état de prostitution à en sortir, est l´un des premiers points de l´agenda féministe, mais défendre et soutenir le système prostitutionel n´est en fait que se rendre complice de l´exploitation des femmes et de l´abjection de leur sort. Qu´on ne vienne pas me dire – et il faut le dire avec tous les mots – que faire des fellations  ou ouvrir les cuisses à n´importe quel individu c´est un travail, une profession. Pouvez-vous, mesdames « féministes » recommander cette juteuse « carrière » à vos filles ?

L´acceptation de la prostitution en tant que fait de société ou « profession » est une alliance passée avec les proxénètes et les trafiquants, et qui jette un voile sur la violence des rapports sociaux que représente  l´achat d´un corps de femme. À quand les dividendes pour ces « féministes » engagées dans ce courant ?

Les aléas de la vie qui ont amené des femmes ou des adolescentes à la prostitution doivent être détaillés et analysés pour qu´on puisse socialement les endiguer. Pour qu´on puisse détruire ce système pervers. Et non  pas simplement dire qu´ elles ont « le choix ».

 Dans l´écrasante majorité, les femmes en état de prostitution y ont été conduites par des viols familiers ou autres, par des violences répétées, , par l´extrême détresse, par la drogue, par une pauvreté sans issue, par l´abus et la brutalité.

D´autre part, des millions d´autres femmes et de gamines sont encore achetées, trafiquées, violées des dizaines de fois avant de se plier à la prostitution. Contre leur volonté, bien au-delà d´une quelconque liberté. Peut-on les ignorer ? On oublie cela dans la « polémique » sur la prostitution. En fait, les « féministes » qui se déclarent « pour la prostitution »  tiennent le rôle de maquerelles. Innocentes ou ignares ?

La prostitution est plutôt la liberté des hommes d´utiliser et user les femmes comme bien leur semble, dans n´importe quelle circonstance et dans leurs fantaisies brutales. Le danger de cette activité est évident, car les femmes en état de prostitution deviennent la proie de toutes les exactions et risquent journellement leur vie.

La « prostitution travail » réaffirme le droit accordé aux hommes de disposer des femmes,  abritée par la sanction sociale de la sus-nommée  « profession » et sous le drapeau de la « liberté » de choix.

                                                          « les clients »

 

 Acheter quelqu´un est un acte méprisable.

Il est très opportun de signaler le manque d´études et d´analyses faites spécifiquement sur « le client », qui est en fait tout homme, n´importe quel homme, le père, le frère, le voisin, le cousin, le petit ami, le mari de toutes les « féministes » pro-prostitution. Le «manifeste des 343 salauds» [4] pour le droit de jouir de la prostitution en France,[5]  n´a laissé aucune ambiguïté : « touche pas à MA pute » disait-il, ma propriété, mon DROIT de mâle d´évacuer mes humeurs et mes perversités sur autrui.

Le « client » faisant partie du groupe dominant, son rôle dans la constitution du marché des corps n´est donc pas remis en question. C´est son DROIT, c´est SA liberté de disposer des femmes selon son désir. La Suède a osé, la première, de changer la donne : les clients ont été pénalisés dans leur quête de sexe achetable et la prostitution dans ce pays a chuté brusquement. La France, après une polémique gérée par les média sur les droits des « clients » a adopté en 2013 une amende applicable aux demandeurs sur le marché du sexe. Si la demande diminue, il est évident que l´offre et donc le trafic des femmes, sera ralenti ou stoppé.  À suivre. 

Encore une fois, à qui bénéficie la prostitution? Qui est intéressé par la détresse, la pauvreté, l´abus, les viols, la chair offerte aux payants, quelle que soit leur apparence, leur hygiène, leurs perversions ? Ils osent dire qu´ « elles pourraient même aimer ça » ! Ce qui m´étonne, c´est que ce genre de discours ne soit pas jeté directement à la poubelle de la société, mais qu´il fasse la « une » des médias.

Le sous-entendu est que les « clients » n´ont aucune responsabilité sur le marché de l´offre et de la demande de la chair des femmes, c´est évident !!! Qu´est-ce qui empêche le viol collectif ou individuel d´une jeune femme, puisque cela peut faire d´elle une bonne prostituée et peut-être, « aimer ça » ? On a déjà entendu maintes fois qu´en cas de viol il faut « relaxer et en profiter ! »

C´est une fantaisie récurrente chez les hommes et il est facile d´en faire le constat dans les images et les discours véhiculés par les  media : elles aiment ça, elles aiment être malmenées, maltraitées, elles aiment la violence, la brutalité, la rudesse, elles aiment se prostituer ! Les filles qui se tortillent nues sur les écrans, qui s´enroulent sur les poteaux, pathétiques symboles de virilité, qui traînent sur les trottoirs, avec des sourires jaunes et des corps brisés, c´est ça l´image de la liberté des hommes qui s´ingénie à les transformer en prostituées.

En fait, dans l´imaginaire masculin, le pénis occupe  pour les hommes le centre de l´univers et qui oserait nier son importance et les priver de leur dû ? Qui oserait leur nier la liberté d´acheter, de vendre, de posséder, de prendre, si la société leur offre des corps et entérine leurs pulsions ? Pour eux, les bordels sont des lieux de détente, des délices lascifs, des corps offerts à l´étalage, d´exercice de leur liberté de mâles, sans restrictions. Et c´est comme ça que la littérature, le cinéma, les média reprennent ce thème. C´est toujours le point de vue du bonheur du « client » puisque, cela va de soi, les femmes sont là parce que elles « aiment ça » ou, en tout cas, ont été faites pour ça.

Et tout est ramené au sexe, et les femmes transformées en sexe, et le genre féminin réduit à l´abjection, au profit de la loi du pénis, du père incestueux, du patriarcat victorieux sur les cendres d´un féminisme fait de méconnaissance et d´allégeance aux injonctions masculines. Dans son analyse des sociétés patriarcales, Colette Guilaumin (1992) [6] montre que les femmes n´ont pas un sexe, elles SONT un sexe et un sexe ne peut pas se posséder lui-même. Par conséquent, c´est  aux hommes, qui eux possèdent un sexe -le vrai- d´en disposer.

Foucault (1976) a analysé les mécanismes de valorisation et de construction du sexe en tant qu´axe de la vie, source d´identité majeure. Il montre comment se crée une représentation historique du sexe et de la sexualité qui va acquérir un noyau de matérialité dans la répétition infatigable. Il écrivait :

« En fait, il s'agit plutôt de la production même de la sexualité. Celle-ci, il ne faut pas la concevoir comme une sorte donnée de nature que le pouvoir essaierait de mater, ou comme un domaine obscur que le savoir tenterait, peu à peu, de dévoiler. C'est le nom qu'on peut donner à un dispositif historique : non pas réalité d'en dessous sur laquelle on exercerait des prises difficiles, mais grand réseau de surface où la stimulation des corps, l'intensification des plaisirs, l'incitation au discours, la formation des connaissances, le renforcement des contrôles et des résistances, s'enchaînent les uns avec les autres, selon quelques grandes stratégies de savoir et de pouvoir. »[7](Foucault, 1976:139)

C´est le « dispositif de la sexualité » en action, qui montre, dans son historicité, la constitution de l´importance et de la valeur démesurées données au sexe et à la sexualité – nouveaux axes du monde. La notion de dispositif de la sexualité explicite l´historicité des faits et des gestes humains et donc, la multiplicité des relations humaines qui n´ont pas de lois universelles, ni une essence ou une nature incontournables.

L´humain se construit et se défait et tout ce qui est humain peut ainsi être également déconstruit. La « nature » et ses lois sont des catégories créées pour mieux justifier la domination et leur seul point d´ancrage est une croyance fanatique en des divinités, des vérités positivistes, des affirmations dont la substance se trouve uniquement dans leur énonciation et sa répétition. 

De la même manière que le dispositif crée le sexe, le patriarcat crée les genres, le binaire hiérarchique, l´infériorité des femmes, l´existence d´une pulsion sexuelle mâle qui trouve nécessaire d´avoir à sa disposition un contingent –en nombre variable- de femmes. Ce « mal nécessaire » s´implante et se naturalise dans la prostitution des femmes, exutoire des perversions et des lubricités masculines. Créée de toutes pièces, la femme en état de prostitution est exécrable socialement mais tout autant acceptable / désirable dans ce mécanisme pourri de justification qui soutient le « client ». Finalement, c´est sa « nature », son DROIT.

On dit souvent que le mariage est aussi une sorte de prostitution. Ce sont, évidemment deux institutions patriarcales, cependant soumises à l´historicité dans l´ampleur de leurs significations sociales, de leurs  limites, devoirs, restrictions, normes régulatrices et pratiques sociales.

Le mariage est une institution restrictive en occident, c´en est une de violation des droits des femmes dans les pays où les mariages sont forcés ou bien les femmes sont vendues. C´est un des piliers du patriarcat, dont son objectif avoué est la procréation, dans un cadre normatif de l´hétérosexualité obligatoire.[8] Toutefois, la prostitution est également un des piliers du patriarcat, celui qui divise le féminin en « vraies femmes » -épouses et mères- et les autres, liées à la débauche et à la liberté DES HOMMES.

 Si l´on fait le parallèle entre mariage et prostitution, la caractéristique de base est de soutenir les fondements du patriarcat, soit d´être au service du masculin, à son entière disposition. Il est clair que l´existence de l´un ne justifie pas l´autre, au contraire, les deux doivent être dissous  afin de permettre une transformation des relations sociales, érodant ainsi les fondements de la domination masculine. Si le mariage permet toutes les exactions et les violences dans le privé, la prostitution charrie en plus l´opprobre qu´aucune légalisation pourra effacer.

La prostitution, telle qu´on l´entend aujourd´hui,  c´est l´achat d´un corps pour une finalité sexuelle, mais il n´y a pas si longtemps une femme qui travaillait hors du foyer, une femme indépendante, était considérée également comme une prostituée ; les sens sont ainsi variables selon l´ époque ou la formation sociale. Il en reste que l´épithète « prostituée » livre les femmes à toutes les lubies des hommes, dont le corps devient  le locus des leurs épanchements et de leurs caprices sexuels, de l´imposition majeure de leur sexe et de leur sexualité sans aucune retenue sociale. Le viol en est le corollaire : pourquoi ne pas violer, puisque les femmes « aiment ça » ? Pourquoi ne pas les trafiquer si les autorités ferment les yeux pour pouvoir aussi en profiter à leur guise ?

Une longue lutte a été menée par les féminismes et l´est encore pour faire comprendre que lorsqu´une femme dit « non » elle ne veut pas dire « oui ». Mais la prostitution déverse sur toutes les femmes la possibilité illimitée de possession, car la condescendance sociale issue de l´entente entre les hommes, fait qu´ ils peuvent se convaincre que « si je peux en acheter une, je peux aussi en prendre une autre, si elle n´est pas accompagnée ». Le respect vis-à-vis des femmes est donc une affaire entre hommes :  si elle n´appartient pas à un mâle, elle appartient à tous. Par conséquent, l´existence de la prostitution est le phare qui autorise et rend possible la prise de pouvoir sur toutes les femmes.

Le mythe de la liberté des prostituées ne fait qu´offusquer les chaînes qui retiennent toutes les femmes, dans l´image d´un corps disponible pour le sexe.

Abolir la prostitution c´est stopper cet immense marché qui fait l´étalage des femmes comme de la chair à consommer. Abolir la prostitution c´est enlever aux hommes le pouvoir de disposer des corps féminins à leur guise. Abolir la prostitution c´est créer un nouvel imaginaire où les femmes ne seront plus assujetties à l´Ordre du pénis, où la liberté pour les femmes ne sera plus de se vendre, mais de se constituer en sujets, sujets politiques, sujets d´action, où la liberté sera de créer un destin, tracer un chemin et non celui de traîner dans les rues, mendiantes de leur propre existence au service d´un sexe avili.

 
 


[1] Voir  Ver livro de Merlin Stone, http://matricien.org/essais/merlin-stone/

[2] Voir, par exemple, Jacques Rossiaud 1988.La prostitution médiévale, Paris, Flammarion,.

[3] Jeanne Cordelier, 1976,  La Dérobade : Hachette

[4] Pathétique parodie des 343 femmes qui ont signé un texte affirmant avoir fait un avortement pour appuyer la loi qui garantissait  l´avortement, en France, Interruption volontaire de grossesse, elle fut défendue par Simone Veil et adoptée peu de temps après..

[6] Colette Guillaumin1992. Sexe, Race et Pratique du pouvoir. L’idée de Nature, Paris : Côté-femmes

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[7] Michel Foucault, 1976, Histoire de la sexualité, vol.1 : Gallimard