L´aventure de la vie : Kira Salak

tania navarro swain

 

 

résumé:

Kira Salak ne s´arretait pas devant les risques et pérills: pour elle les obstacles n´étaient qu´un défi en plus. Cette aventure se passe au Mali où elle fait presque 1 000 km avec son kayak gonflable, sur le fleuve Niger, traversant de régions sauvages, s´arretant à des villages presque inconnus, à l´accueil pas toujours agréable. Les tempêtes, les crocodiles, la fatigue, et cependant, le bonheur de l´aventure.Kira fait partie de la légion de femmes qui ont cassé les normes, épousant l´aventure ; de nos jours elles sont méconnues, mais combien d´entre elles non pas ouvert les sentiers d´exploration en découvertes, de la connaissance et de la recherche scientifique ! La mémoire sociale et l´histoire tiennent à les oublier. Labrys les récupère et les honore.

Mots-clés: Kira Salak, Mali, Niger, kayak

 

Préambule

Il n´est jamais de trop de souligner l´effacement des femmes des narratives de l´histoire, des méandres de l´imaginaire social, en escamotant délibérément leur nom des découvertes scientifiques, de la production artistique, des luttes politiques, de la construction socio-culturelle , de toute activité humaine, en somme. Tout se passe comme si les hommes avaient tout découvert et tout créé : les dessins rupestres, la roue, le langage, la peinture, la poésie, le drame, le théâtre, la connaissance du monde, les liens sociaux.

Dans les récits des origines, les hommes tirent les femmes par les cheveux, s´échangent les femmes pour former des alliances, puisque elles ne représentent que des objets passant d´un propriétaire à un autre. Donc, « depuis toujours ». Ils possédaient tout, ils faisaient tout et les femmes étaient la main-d´ouvre servile et soumise pour tenir les foyers, satisfaire leurs pulsions sexuelles et leur donner des enfants. Mâles, de préférence.

Mais à qui profite ces narratives partielles qui arrachent de l´histoire la moitié de l´humanité, précisément celle qui peut produire des humains ? La réponse est facile : la construction de cet imaginaire fonde un pouvoir et une domination qui n´auraient pas eu lieu d´être sans la création d´une hiérarchie enracinée dans un prétendu « naturel ». Les narratives « mythiques » de la défaite des femmes assure le discours d´une évolution de l´humanité du matriarcat vers le patriarcat, dernier échelon de l´organisation «parfaite » du social. C´est à travers ces stratégies que se construit le patriarcat dit « universel ».

Cette représentation habite les discours sociaux dans leur pluralité qui affirment cette fonction sociale des femmes comme étant universelle, atemporelle, « naturelle ». Ainsi la subordination du féminin, son manque de puissance politique, son assujettissement par la violence ou par la contrainte sociale, entrent dans le domaine de l´axiomatique : il n´y a rien à discuter sur ce sujet, puisque c´est ainsi « depuis la nuit des temps».

Cette ligne de raisonnement est d´une fragilité totale : le cheminement de l´humanité ne s´est pas fait d´un bloc, toutes les régions du monde et leurs cultures confondues. Les narratives de l´histoire « mondiale » sont risibles dans leur partialité et leur choix des faits, des sujets, des régions, des thèmes qui doivent être tenus en considération ou mis en valeur.

Tout se passe, dans l´ordre du discours patriarcal, comme si les injonctions sociales, les règles établies, les lois instituées n´avaient aucune fonction dans l´exclusion des femmes des narratives sur l´humain. Or, de nos jours, les fonctions créatives du social, de l´imaginaire, des représentations qui ordonnent le monde sont au centre de l´investigation sur les rôles sexués et sexuels des formations sociales. On ne peut plus dire que les femmes sont « incapables » de ceci ou cela, mais qu´elles ont été réduites dans leurs capacités et empêchées d´exercer celles-ci, de mettre en œuvre leurs possibilités et leur intelligence.

Et les féministes sont arrivées.

C´est à partir de là, que les récits vont montrer d´autres configurations de l´humain, où les femmes prennent parfois plus de place que les hommes et exercent toutes les professions, tous les travaux, occupent toutes les positions dans le social. Des centaines de noms et d´exploits de femmes sont dévoilés, sont exposés aux yeux étonnés des croyants aux « vérités » de l´histoire. Au fur et à mesure des recherches, les femmes vont faire exploser les limites de l´univers de la science, de l´art, de la connaissance en général. Oui, elles étaient actives, oui, elles étaient présentes.

Ce qui m´intéresse spécialement, cet sont les femmes d´aventure, celles qui ont creusé des sentiers, ont rencontré des peuples inconnus, ont étudié leur coutumes, ont exploré des contrées méconnues ou même inconnues de leurs contemporains. Il est important d´observer qu´un grand nombre de ces femmes ont eu leurs exploits reconnus par leurs contemporains, avec des honneurs et même des charges officielles de diplomatie ou de découverte. 1( voir mes textes) Toutefois, leurs noms furent rapidement ensevelis ou leurs actions même transférées à des noms masculins par l´avalanche des discours patriarcaux.

Ces femmes d´aventure me font rêver des cimes des montagnes, des forêts tropicales, des déserts incléments, des plaines glacées des pôles, des océans déchaînés, des plateaux verdoyants, d´un monde à explorer et à découvrir. On n´entend pas parler d´elles, on n´enseigne pas leur nom aux enfants, on ne recense pas leurs exploits. Finalement, ce ne sont que des femmes. Là se trouve le parti pris de l´histoire, des sciences humaines et sociales qui font fi ou simplement effacent de leurs curricula ou de leurs programmes d´enseignent la production et le cheminement de ces femmes.

La « race » des femmes, la classe des femmes, comme les regroupent certaines féministes, (Christine Delphy, par exemple) demeurent dans le pli des discours, dans l´ombre des mâles qui écrasent les exploits des femmes sous leurs bottes patriarcales. Mais elles sont bien là, et les femmes de nos jours continuent de creuser des sillons, à montrer leur valeur, leur force, leur résistance, leur désir d´aventure et de savoir. En fait, produire des connaissances s´est révélé un des objectifs majeurs de ces femmes qui s´installent dans la mouvance et font du monde leur foyer.

Tel est le cas de Kira Salak. 2

Kira Salak ne s´arrêtait pas face aux risques et périls de son entreprise, car pour elle les obstacles n´étaient qu´un défi de plus. Cette aventure se passe au Mali où elle fait presque 1.000 km avec son kayak gonflable, sur le fleuve Niger, où elle traverse des régions sauvages, s´arrête dans des villages presque inconnus, à l´accueil pas toujours agréable. Les tempêtes, les crocodiles, la fatigue, et cependant, le bonheur de l´aventure. Kira fait partie de la légion de femmes qui ont cassé les normes, en épousant l´aventure ; de nos jours elles sont méconnues, mais combien d´entre elles n`ont pas ouvert les sentiers de l`exploration des découvertes, de la connaissance et de la recherche scientifique ! La mémoire sociale et l´histoire tiennent à les oublier. On les récupère ici et les honore.

Kira Salak

3

 

Kira Salak est américaine. Née en 1971 à Chicago elle montre, dès son plus jeune âge, une grande attirance pour les sports et le grand air. Elle fait des études universitaires jusqu´à son PhD en Anglais qu´elle obtient en 2004 à l´Université du Missouride avec spécialisation en littérature américaine du 20e siècle et la littérature de voyage. Les voyages deviennent sa passion, qu´elle exprimera dans plusieurs livres et articles.

À 24 ans, elle commença ses voyages par l´île de Papua Nouvelle Guinée qu´elle traversa d´un bout à l´autre. Cette expérience fit naître son premier livre, Four Corners: One Woman’s Journey into the Heart of Papua New Guinea. Invitée par le National Geographic Adventure, elle devint free-lance et mena une carrière d´aventure dans des pays en guerre, tel que la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Dans une interview, Kira raconte qu´à Bunia, ville du Congo, elle a vu «the worst that human beings could do to each other, an endless parade of barbarism." 4

La malaria, le choléra ne l´arrêtant pas, ses périples lui fournissent le matériel nécessaire pour écrire ses livres et ses contes qui seront publiés dans plusieurs revues: Prairie Schooner,The Massachusetts Review, Quarterly West etc. Sa première nouvelle fut The White Mary. Kira était en fait, outre une femme d´aventure, une écrivaine à succès, couronnée de plusieurs prix.

À part de nombreux voyages aux Etats Unis, elle parcourt l´Asie du Sud-Ouest, certains pays d´Afrique et de l´Amérique centrale et du Sud. Le voyage qui nous intéresse ici est son aventure sur les chemins qui la mèneroont à Tombouctou, à partir de Segou par le fleuve Niger, le Mali, sur une distance de 966 km, en pagayant dans un kayak gonflable. Le livre qui narre ce périple s´appelle « The cruellest Journey ».5 

Le Mali est le septième plus grand pays d´Afrique, avec 1.240.000 km² , une population d´environ 13 millions d´habitants, dont la religion première est l´islam. Les principales ressources du pays sont l´or, l´uranium et le sel. Il va sans dire que la pauvreté est extrême, malgré la valeur des exportations.

Cette région d´Afrique fut le siège de trois empires qui contrôlèrent le commerce transsaharien: l´Empire du Ghana, celui du Mali et l´empire de Songhai. Au XIXe siècle, le territoire est devenu le Soudan français, qui comprenait également le futur Sénégal. L´indépendance n´est survenue qu´en 1960, donnant naissance à la Fédération du Mali, dont le Sénégal s´est séparé en 1961.

Kira débarque à Bamako, la capitale du Mali, pour se diriger ensuite vèrs Old Segou son véritable point de départ pour un voyage de presque 1.000km, avec son kayak gonflable, rouge.

A Bamako, donc, Kira décrit l´hôtel où elle est descendue, qui ressemblait étrangement à tant d´autres dans le monde:

““I stay in another of the world´s cheap hotel rooms [...] Cockroaches crouch behind this cracked porcelain toilet bowl. Beetles climb the walls, mosquitoes hover over me, half dazed.[...] But I am fortunate, because my room includes a shower, however basic, with a weary trickle of water. [...] I lie on a thin green bedspread, wondering when it was last washed, trying to guess the source of the various stains on it. [...] The toilet smelling strongly of piss. [...] Very little changes about these rooms except the languages.” (11-12)

Le jour du départ, à Old Ségou,une tempête s´annonce et c´est sous une pluie battante que Kira gonfle son kayak, non sans être avertie plusieurs fois par son guide dans la ville de la folie de son entreprise.

L´aventurière ne se décourage nullement:

“ Still when a person tells me I can´t do something I´ll want to do it all the more”. (14)

Cette phrase décrit bien sa volonté, son désir d´aventure, son envie de bouger, de changer, , d´apprendre. “I need doses of the new before me, the strange, the completely unfamiliar, in order to feel truly alive.” (14) écrit-elle.

Les dangers, cependant, étaient multiples : les courants, les tempêtes, les crocodiles, les hippopotames, les villageois hostils, la traversée du Lake Debo, -une véritable mer intérieure,- les maladies qui guettaient ; de plus, une femme blanche, seule, dans un pays musulman, où les femmes sont contrôlées, interdites de ramer là où le fleuve est la route, de se déplacer à leur guise, où les hommes sont les rois des flots, du transport, de la mouvance, et donc pour qui sa présence avait toutes les chances de représenter un affront.

Mais en fait, elle ne narre que peu d´épisodes de violence : un harceleur sexuel qu´elle a repoussé vertement , une tentative de vol la nuit, lorsqu´elle couchait à même la terre et un village où le chef avait des mœurs lubriques et où des jeunes gens l´harassèrent : « Vous voulez faire du sexe avec nous ? ». « No place is safe. Safety is an illusion » (53) dit-elle. Donc, pour elle, l´insécurité fait partie de l´aventure :

« And while I felt fear, I didn´t let it become my modus operandi, ruling my life and decisions to the point of immobility. This is the trade-off that I have acknowledged and accepted for my life: I am willing to sacrifice some of my security for the excitement of raw adventure. […] And which also means, generally, that my trips have large helpings of this unpleasant side of things » (51-52)

En dehors de ces quelques désagréments, elle a été bien reçue partout, notamment dans la première partie du voyage où elle est invitée à coucher et à manger chez les villageois. Les trois principales questions principales qu´on lui posait étaient : « Êtes vous seule ? où allez vous ? où est votre mari ? ». La deuxième partie de son périple montrera des villageois franchement hostiles.

 

Kira a été un motif de grande joie pour les adultes comme et encorre plus pour les enfants qui couraient sur les berges pour accompagner le kayak et l´entouraient au point qu´elle puisse à peine marcher, lorsqu´elle débarquait à terre. Mais aussi les sourires, le ravissement, l´étonnement démontré par ceux-ci lorsqu´ ils pouvaient la voir passer sur son kayak l´enchantaient. Il est probable que les gens des villages voisins communiquaient entre eux pour annoncer qu´elle était en train d´arriver et elle trouvait alors une ambiance de fête !

 

 

« I am a greater novelty because Malian women don’t paddle, not ever. It is a man´s job. So there is no good explanation for me, and the people want to understand. They want to see if I´m strong enough for it, or if I even know how to use a paddle.[.. .] They gather on the shore in front of their villages to watch me pass, the kids screaming and jumping in excitement,[...] » (22)

Pour son tout premier jour de kayak, Kira réussit à se déchirer un muscle, ce qui la soumet à une douleur constante pendant tout le trajet, puisqu´elle dépend évidemment de ses bras pour pagayer. Mais déjà dans l´esprit du voyage, elle a pris ses dispositions:

“[...] wrap up my injured arm, part of which has swollen to the size of a grapefruit. I´m not worried about the injury no more. I´m not worried about anything..[...] To reach a place of not worrying is a greater freedom than anything I could hope to find on one of these trips. It is my Undiscovered Country.” (21)

Pour se reposer ou pour manger, elle levait les pieds sur les côtés du kayak et s´allongeait. Pour dormir, elle cherchait des endroits isolés sans personne, ou bien elle allait carrément dans un village et demandait au chef la permission d´y rester. Elle n´a jamais essuyé un refus.

Pour Kira, cette aventure l´a amenée à reconsidérer ses besoins pour vivre, car tout au long de son trajet elle n´a trouvé aucune des choses auxquelles elle était habituée au quotidien. Électricité, téléphone, routes, voitures, restaurants, hôtels, toilettes, eau courante. Pas de moteur sur le fleuve, pas de bruit, le silence meublait ses jours, à part les chants des oiseaux et les cris des animaux nocturnes. (56-57) Les maisons étaient en boue séchée, les canoës en bois, la vie soumise aux humeurs du fleuve et du climat. Les femmes souriaient timidement et Kira commente :

« I notice how different we look from each other : I, in my long patterned skirt, my blond hair and T-shirt and my Australian hat : they, in their colourful pagnes, rests bared, hair in elaborate cornrows woven with rings of pure gold. But as we stare at each other, the differences dissolve. Beyond the confines of sight, there is no division. We share all those things that make us uniquely human – the joys and pains, loss and hope. » (58)

Kira se dit que le voyage prendra le temps qu´il faudra lorsque ses efforts n´arrivent pas à lui donner de la vitesse voulue; elle souffre de la chaleur et de la brûlure du soleil sur sa peau claire. Elle portait des shorts et une jupe par dessus, car pour les villageois une femme en pantalon, surtout en short, était vue comme une prostituée. Cette jupe était vite enlevée lorsque il n´y avait pas des canoës en vue, mais dans la canicule elle protégeait ses jambes du soleil.(60-61)

« I´ll soon be arriving at Sansanding. My injured right arm is so swollen and painful that paddling has turned into an act of masochism, but doctors and hospitals are two things that don´t exist on the river. I put on a wrist brace I brought from home and try to forget about it. » (61-62)

L´aventure impose ses lois : il y a beaucoup de souffrance, un apprentissage certain, un changement subtil dans la manière d´être devant le monde, la nature, les humains. L´objectif était là : arriver à Tombouctou, sans autre plan, sans l´angoisse de la performance ou du temps écoulé. La douleur faisait partie du voyage.

Sansanding lui a paru une ville magique, avec ses minarets blancs entourés de maisons d´adobe marron, bordées d´arbres géants, le marché placé au milieu de l´agglomération. Les canoës pointus reposent sur la berge, et des enfants nus jouent dans les eaux, tandis que les femmes font leur lessive. Kira se sent bien loin de chez elle,

« I feel like one of the explorers of old, coming upon some secret desert kingdom." (62)

Kira rama vers les abords du village et salua les habitants dans leur langue. Il y eut un moment de stupéfaction devant cette femme blanche, blonde et seule sur un kayak rouge, “parlant” leur langage. Mais bientôt ils se sont amassés sur la berge, plus d´une centaine, en attendant son mouillage, une foule excitée, criarde, heureuse de l´accueillir. Elle ne s´était jamais retrouvée au milieu d´un aussi grand rassemblement ; sur les visages elle voyait la crainte, la curiosité, la timidité, la joie devant une voyageuse aussi inattendue. 

 

Une fois à terrre, elle alla voir le chef du village pour lui demander la permission d´y passer la nuit ; c´était un vieux monsieur habillé tout en couleur, le visage fermé. Il voulait un cadeau et après l´avoir reçu il lui accorda la permission et l´envoya à la cabane du professeur d´anglais du village, qu´elle eut beaucoup de mal a comprendre. Lorsque son hôte et sa femme ont appris que son objectif était d´aller à Tombouctou en kayak, un bras enflé et presque inutile, ils lui donnèrent un conseil amusé : « Vous êtes folle. Prenez donc le bus !» (73)

 

Et Kira continua son chemin, lentement, voguant sur les eaux du fleuve, un village après l´autre, quelques grappes de palmiers pour casser la monotonie du sable et des berges. Les villageois l´accueillaient avec joie et gentillesse ; Kira les jugea les personnes les plus aimables qu´elle ait jamais connues dans sa vie.

Et les femmes!

 

«  The women in particular cheer me on, yelling out accolades for ' les femmes fortes', strong women, which surprises and delights me. Malian women are themselves an undercalls, relegated to purely domestic pursuits, 70% of them illeterate. According to various health organizations, at least 90% of them have their clitoris and external genitalia completely removed by the time they´re teenagers – one of the highest rates in the world. » (77)

Kira s´attarde à expliquer ce qu´est l´excision et l´infibulation : la première est l´acte de couper le clitoris à vif, avec un couteau parfois rouillé et une douleur inimaginable. La deuxième, l´infibulation est l´élimination totale du sexe des femmes : les grandes et petites lèvres son coupées et la blessure sanguinolente est COUSUE, laissant un tout petit trou pour écouler l´urine et le sang menstruel. La jeune fille reste couchée pendant des semaines, les jambes attachées, pour attendre la fermeture de la plaie. Lors du mariage, le sexe de la femme est coupé pour permettre l´introduction du pénis ; si le mari s´absente, la femme peut être recousue pour la maintenir « fidèle ».

 

Pour masquer l´horreur de ces pratiques, on les appelle « circoncision féminine » , dans un parallèle avec la circoncision masculine qui n´est en aucun cas comparable, étant donné la douleur et les conséquences que cela entraîne pour la santé des femmes. Infections diverses, maladie des canaux urinaires, douleurs continues, tumeurs et j´en passe.

 

Le résultat du massacre

L´explication donnée par les adeptes de cette pratique – les hommes- est que le clitoris représenterait un pénis chez les femmes et c´est la raison pour laquelle il doit être extirpé. C´est un démarquage qui renforce l´imaginaire de la « différence » entre les sexes, même si cela entraîne la torture et la mutilation des fillettes et des femmes. Cela représente l´expression la plus brutale de la domination patriarcale, car les femmes ne doivent pas avoir de plaisir dans les relations sexuelles, donc leur sexe doit disparaître. Si une femme, par hasard ou par chance, n´est pas excisée ou infibulée, elle ne se mariera jamais et en Afrique les femmes qui ne sont pas l´épouse de quelqu´un n´existent pas socialement, ce sont des parias.. Même si les hommes se servent des femmes « exciseuses » cette pratique leur assure un pouvoir total sur les femmes et leurs corps, non seulement physique, mais aussi social, car ce sont eux qui leur donnent une place au soleil. (77-80)

Au Mali, presque toutes les femmes sont infibulées. De nos jours, on estime autour de 150 millions de femmes dans le monde, qui ont subit cette innommable pratique. Cela révèle le désir profond des hommes d´éliminer le féminin, soit complètement, en tuant les femmes, soit en les mutilant par toutes sortes de violences, dont l´infibulation est un paroxysme. C´est la haine des femmes qui déborde, la peur de perdre la domination sur elles, un pouvoir qui n´existe que par l´intimidation et la brutalité. Car l´affirmation d´une supériorité masculine se fait par la construction d´un féminin débilité, par un imaginaire infâme qui écrase la moitié de l´humanité au nom de la « différence ». Les femmes au Mali étaient empêchées de se déplacer, car elles n´étaient pas autorisées à ramer et le fleuve était la seule voie de communication. Elles furent complètement abasourdies de voir un femme, blanche de surcroît, en train de ramer sur le fleuve, SEULE. «  Où est ton mari ? s´exlamaient-elles.

« The women crowed around me, holding up a single finger and speaking in fervent Bambarra. I´m unsure what the finger means, until one woman says two words in their language that I recognize : « husband » and « where ». I gesture to them that I´m alone. This they cannot believe. They point to the river, then to me, holding up a finger again and pretending to paddle. » (83)

L´imaginaire de ces femmes ne pouvaient pas concevoir une femme sans homme. Une incronguité pour elles tellement assujetties à la loi du mâle, polygame, tout puissant. Kira partagea un repas avec les femmes, qui l´ont mise à l´épreuve de préparer le repas. Sans grand succès, d´ailleurs. Pendant des heures elles insistaient de savoir où était son mari, comment il l´a laissé pagayer, combien d´enfants avait-t-elle, ainsi de suite jusqu´à l´heure de dormir.

“We all lie down side by side on foam mattresses spread outside the huts. Mosquito nets stretch overhead, blurring the stars. Fleas hop on my skin; chickens jump on us. I fall asleep to the sound of the old folks´ snoring, goats nibbling at our feet.” (86)

Les gens de cette partie du Mali n´avaient, apparemment, jamais vu de blancs. Et chaque fois qu´elle s´approchait des berges, une excitations sans bornes s´emparait de tous les villageois qui se pressaient, se poussaient, pour mieux la voir, la toucher, la regarder de près. Kira ne sentit aucune hostilité de leur part, seulement une immense curiosité.

Mais la suite du voyage ne fut pas aussi tranquille : il y eut des tempêtes ravageuses, des coups d´adrénaline devant les flots du Niger, géant endormi à ses heures....

« The winds are getting even worse, the river sloshing with three-foot-high whitecaps. It is the Jekyll-Hyde phenomenon of the Niger, the river utterly calm one moment, only to burst into waves and rapids the next.” (130)

Et l´inévitable arriva: le kayak chavira et elle tomba dans l´eau. N´oublions pas les crocodiles, les hipopotames, les eaux sans visibilité, les courants, les vents...

“I lean forward to secure my bags, and a wave broadsides my boat and flips it over. I fall and swim to the surface, seeing my kayak bottom up and speeding steadily away. I dive for it and grab its tail, turning it over and retrieving my paddle, only to see my little backpack- the one with passport, money, journal-- starting to sink nearby.” (130-131)

Perdre ses papiers est l´un des pires cauchemars qui puissent arriver dans un voyage, surtout seule. Mais elle réussit à les rattraper, non sans mal. Le Niger lui a fait payer son dû, avec heureusement, peu de pertes. Kira observa alors qu´un tel voyage remet ce qu´on estime être des besoins à leur juste valeur : il ne lui restait plus que le strict nécessaire, ce que pouvait contenir son kayak: des aliments, de l´eau, quelques vêtements, des médicaments, une tente. « My journey on the river is inevitably teaching me humility. » (131) écrit-elle.

Finalement, elle arriva à Mopti, qui se trouve à la moitié du cheminement. Elle choisit un endroit loin des foules qui peuplent toujurs les docks, mais elle fut cependant assaillie par des floppées d´enfants. Pour la première fois elle dégonfla son kayak et emporta tout son barda pour aller s´installer à l´unique hotel de Mopti, le Kananga Hotel. (133) À Mopti elle rencontra le photographe de son sponsor, National Geographic, qui venait documenter son voyage. Chose dûe, chose faite.

Kira prit un autobus pour aller visiter la Grande Mosquée, à Djenné. Bondé à outrance, le véhicule a mis 6 heures pour 90 miles jusqu´à la destination( plus 6 h pour le retour). Son récit est pittoresque:

“The taxi brousse doesn´t leave until it´s “full”, though what constitutes “full” is a matter of individual opinion. Drivers will squeeze in as many human bodies as can be fitted inside...[...] Before long, my right thigh is sitting on someone else´s, my feet are in some woman´s lap, and a baby is perched on my shoulders.” (141)

En arrivant, elle n´a évidemment pas pu rentrer dans la Grande Mosquée, interdite aux “infidèles”. (146) Djenné avait été dans le temps une ville aussi importante que Tombouctou, centre de commerce saharien, notamment pour l´or, le sel, l´ivoire et surtout les esclaves. Elle remarqua d´ailleurs, que certaines familles possédaient encore des esclaves, que l´on se passent de génération en génération. (145)

 

Kira eut envie d´aller voir les sorciers, dont une femme, très respectée et crainte dans le village. Si l´on considère le nombre d´excursions qu´elle a tenu à faire, cinq jours à Mopti ne lui ont pas permis beaucoup de repos.

 

Encore du chemin à faire

À partir de Mopti le fleuve s´est rempli de filets de pêche et Kira s´est vue obligée de plonger sans cesse dans les eaux boueuses pour en débarrasser son kayak. Malgré sa peur des hippopotames. (176) Dans cette partie du voyage Kira observa que les villageois étaient toujours très curieux lors de son passage, mais cette fois, ils demandaient sans cesse « des cadeaux », de l´argent. Ils étaient habitués à voir arriver des touristes, venant de Tombouctou et tout étranger, blanc, étaient devenu source de bénéfices.

Une furieuse tempête l´obligea a ramer rapidement vers les berges du fleuve en attendant que les villageois soient accueillants ce qui n´était pas du tout sûr. D´autant plus qu´au Mali le fétichisme sévissai encore avec force sacrifices d´animaux et même de personnes : les albinos, par exemple, couraient toujours le risque d´être tués, car leur sacrifice étaient censé porter chance.(138)

C´étaient des histoires assez effrayantes, surtout pour une femme blanche et seule pagayant sur le fleuve. Kari raconte que:

« Women have been found dead on the streets of Mopti with their breasts removed for special spells » (137)

L´accueil dans le village où elle fut obligée de s´arrêter n´a pas manqué à la règle : tous se pressèrent et se bousculèrent pour la voir, la toucher, lui demander de l´argent. La différence était que tout le monde criait, au lieu de parler. Kira nomma, ainsi son étape de : “un village criant”. (139) 

Au fur et à mesure de son cheminement, le fleuve devenait de plus en plus étroit et les 5 ou 6 heures qu´elle avait estimées pour arriver à Barga se sont révélées être 9 ou 10 heurs. Et toujours rien. Les berges étaient très proches l´une de l´autre et Kira fut suivie par un homme qui lui courrait après, sur les berges, en lui exigeant de l´argent avec des cris violents.

 Le fleuve devenait de plus en plus étroit et elle craignait que l´homme l´attende au premier tournant. Pour le moment il était seul, mais il était plausible qu´il se fasse accompagner d´autres pour l´attaquer et la voler. (196)

Kira l´a ignoré et continua à ramer sans arrêt. Mais la peur au ventre. D´ailleurs, elle s´est rendu compte que la peur l´avait accompagner tout le temps.

« I realize, but without surprise, that I´ve lived with constant fear on this trip. Fear of being chased, assaulted and robbed. Fear of bad weather and waves that might capsize my boat. Lots of fear. Fear of the wind, of harsh storms. Fear of hippos, crocodiles. Fear of being harassed by young men in passing boats, or of having my things stolen if I stop at villages. Endless fear. Fear of getting lost. Fear of not being able to find anyone if I do. All kinds of fear. » (197)

Malgré cela, Kira n´a jamais songé de arrêter son voyage. Une femme d´aventure est consciente des dangers, elle en a peur, peut-être, mais rien ne va l´empêcher de poursuivre son objectif.

À un certain moment, le fleuve de plus en plus étroit,t s´est divisé en deux branches, et laquelle des deux prendre pour arriver au lac? Elle essaya de demander dans les villages mais les villageois étaient hostiles, on ne lui répondait simplement pas ou l´on s´amoncelait sur elle exigeant de l´argent en tripotant ses affaires.

« I pull up to the island and dig my paddle into the mud to hold my kayak steady. The crowd is so thick that I can´t move. Hands pull and clutch at my clothes, my body. Everything I own, including myself, is up for grabs. »  (204)

Le vieux chef d´un des villages la regadait lascivement, ne voulait pas lacher sa main, ne répondait pas à ses questions et n´arretait pas de lui demande où était son mari, si elle avait un petit ami, pour finalement lui demander de l´argent. Elle a eu le malheur de sortir quelques billets et la foule s´est décharnée pour les lui arracher; Kira a perdu tout sa civilité et a ouvert son chemin en poussant, en criant, avec des coups de coude, de pieds, pour arriver finalement à son kayak et partir le plus vite possible, non sans que quelques uns se jettent à l´eau pour s´agripper au bateau. (207)

“Eeverything about this scene is absolutely surreal.” (207) dit-elle.

Cette deuxième partie des son périple fut plus difficile, plus stressante. Elle devait traverser le Lake Debo, ce qui prendrait une journée entière ; Kira considérait ce parcours très dangereux, car c´était une immense étendue d´eau, sans repère pour trouver l´autre côté.

« Getting lost in the middle of it is a major concern. And then if a storm should catch me, overturning and separating me from my boat, the nearest land would be many miles in any direction, and there´s a chance I could drown. » (194)

Pour éviter cette éventualité, Kira décida de rencontrer le photographe du National Geographic à Barga, village au bord du lac pour suivre son bateau tout au long de la traversée, afin d´écarter tout danger de s´égarer. Mais bientôt il avait disparu à l´horizon. Et elle s´est retrouvée seule. Heureusement, il y avait de temps à autre des bouées qui indiquaient le chemin à prendre. La traversée du lac s´est finalement très bien passée. (215-216)

Juste après le lac, Kira décida de s´arrêter au premier village pour acheter des fruits ou avoir quelque chose à manger, car son stock d´aliments était presque à sa fin. Il y avait dans ce village une fine distance entre la curiosité et l´hostilité. Des jeunes gens ont commencé à l´harasser: Où est votre mari? Comment il vous a laissée voyager toute seule? Voulez-vous avoir du sexe avec nous? Pendant qu´elle attendait la venue du chef, les jeunes gens se sont assis autour d´elle, demandant de l´argent, prenant des affaires de son sac, sans compter la foule qui l´entourait aussi. (218-219)

“The young men nudge me, speak threateningly to me […] the chief – traditionally my benefactor- standing by and doing nothing. When one man puts his hand around my wrist, I wrench my arm, holding up a fist. “Don´t touch me, I say”. The village people laugh.” (220)

Kira est partie et a quand même réussi à rejoindrre son kayak mais comme la nuit tombait, elle n´a pas pu partir. Elle est restée des heures assise sur la berge, attentive à tout bruit et au petit matin elle a repris la navigation sur le fleuve.

Il est étonnant qu´elle ait pu s´en sortir sans plus de dégâts: les femmes, au Mali, ne sont apparemment que des objets que les hommes peuvent dominer et utiliser, mutilées sexuellement, ce sont des machines à procréer et main d´oeuvre disponible ( comme dans tant de pays). Le patriarcat décide des relations sociales et une femme blanche seule devient une proie idéale. Il n´y a pas eu d´attaque plus sérieuse, mais ce village a montré clairement les dangers qu´elle encourait. L´insécurité est évidemment partout, mais il y a des occasions où le danger se rend presque palpable.

Cela n´a jamais arrêté les femmes d´aventure. Il y aura toujours des gens pour les critiquer de se risque autant face aux dangers: la mort, le viol, le vol, la disparition pure et simple. Mais si les femmes s´arrêtaient de casser les moules et défier les périls, elles seraient encore des citoyennes de deuxième classe, réclamant leur autonomie et leur indépendance. Les femmes d´aventure sont des phares qui illuminent les chemins pleins d´embûches pour les femmes qui ne supportent pas les interdits parce qu´elles sont femmes.

Kira, cependant, avoue avoir eu un sentiment de défaite, face à des situations où elle pouvait à peine se défendre. Elle eut des réactions très saines, dans lesquelles sa rage a fait reculer les agresseurs.

Elle dit toutefois:

“There is depression that I chose to do a trip that has proved so exhausting and difficult. Disappointment over getting so angry in the village last night. Despair at how much further I have to go, through the storm and heat and increasingly hostile country. “(222)

Kira considère que l´important pour les villageois n´etait pas elle en soi, mais ce qu´elle pouvait leur donner.

“They see my white skin and reduce me to an identity I can´t shake: Rich White Woman, Bearer of Gifts, nothing more.” (223)

Les contacts donc, qu´elle escomptait avoir pendant son voyage se sont amenuisés de plus en plus au long de son trajet. De toute façon, ramer c´était déjà assez épuisant pour s´attarder sur les cris des demandeurs d´argent.

Tombouctou était bien plus proche et le Niger maintenant touchait au désert du Sahara. Le paysage avait complètement changé: presque pas d´arbres, une chaleur infernale, rien de vert, uniquement du sable sur les berges du fleuve. Le soir, sans jamais savoir comment elle allait être accueillie, Kira cherchait à s´arrêter aux abords du village le plus proche. Et toujours la litanie “argent, madame, cadeaux, madame”. Il y avait sur son passage des villages fortifiés qui témoignaien, à l´évidence, de l´histoire des incursions perpétrées à la recherche d´esclaves. (232)

Elle ne pouvait ramer qu´aux premières heures du jour ou tard dans l´après midi, étant donné la chaleur. (230-231) La crème solaire ne la protégeait plus, vue l´abondance de la transpiration. Soudain, Kira vit des objets un peu marrons flottant autour de son kayak, sans doute de bouées laissées par les pêcheurs, rien d´étonnant; mais tout d´un coup, des yeux sortent de l´eau et la regardent : des hippopotames, toute une colonie ! (233-234) Elles n´en avait encore vu aucun tout au long de son voyage.

«  Nice hippos,' I said to them.' Good hippos' » dit-elle tout bas... et se met à ramer comme une folle, car son kayak en caoutchouc ne tiendrait pas une seconde face à leurs dents.

Le Niger devint aussi plus dangereux parce que des rapides approchaient, formés par des blocs de roche noire qui compressaient les eaux. Il fallait bien choisir le passage pour ne pas sombrer ou arracher un morceau de son kayak sur des rochers à fleur de l´eau. (234) Un long trajet de rafting.

La nuit arrivant, Kira s´arrêta à un autre village et là, oh ! Surprise ! Pas de foule pour l´harasser, pas de demandeurs de « cadeaux ». ( 236-237) Cependant, elle tomba dans le piège de donner de l´argent aux femmes qui l´avaient si bien reçue et bientôt un flot continu de gens a commencé à la cerner. Ils demandaient de l´argent, lui expliquaient que c´était pour soigner les enfants malades, blessés et les filles mutilées. Kira fait remarquer que le Mali a un des taux de mortalité infantile les plus élevés au monde : 12 bébés sur 100. (239)

De retour au fleuve, Kira commença à se sentir malade : vomissements dysenterie, faiblesse. Mais elle continue de ramer. Tombouctou approchait. Et la routine continuait : des villageois agressifs qui crient pour demander de l´argent en tapant des pieds. (143) Le soleil était implacable:

« I feel as if I could pass out from the sun. Red dots of dizziness have been filling my eyes, regardless of all the water I drink.»  (244)

S´arrêter? Elle n´y songe même pas. Tombouctou est presque au bout de sa rame.

Cependant, le fleuve devenant plus étroit, il n´y avait pas moyen de passer inaperçue. C´était la terre des Touaregs, peuple farouche, esclavagiste, jamais vraiment colonisé. La foule la suivait en criant depuis les berges et certains plongeait pour la rattraper à la nage ou avec leurs canoës. Elle n´avait jamais ramé aussi fort depuis son départ, malgré son état de faiblesse. (249-250)

« But it is more of the same at the next village, and at the next after that, so that the mere sight of the pointy canoes on the shores frightens me. No time to drink now, or to splash myself with water to try to cool off. To stop is to give them an incentive to come after me. I round the great bend of the Niger, the sun getting hotter and hotter, my head aching. » (250)

 

Et finalement... Tombouctou!

      

 

Les narratives sur cette ville ont créé une auréole de richesse, de beauté, de magnificence depuis des siècles, lors des royaumes de Mansa Musa au XIVe et Songhai au XVe. Centre majeur de commerce, de traite d´esclaves, de l´or, croulant sous la soie et la richesse, les maisons splendides et luxueuses, Tombouctou était l´eldorado rêvé par tant d´explorateurs. (260-261 ) Le mythe de l´opulence de Tombouctou dura jusqu´au XVIIe lorsque le premier européen l´a atteint juste pour être torturé et tué par les Touaregs.(263) Le français René Caillié fut le deuxième à y pénétrer deux ans après, en 1826, et le premier à revenir pour raconter que la richesse de Tombouctou n´était qu´un leurre. (264)

Pour Kira, Tombouctou fut  une déception:

« It is the world´s greatest anti-climax. Hard to believe that this spread of uninspiring adobe houses, this slipshod latticework of garbage-strewn streets and crumbling dwellings, was once the height of worldly sophistication and knowledge. The 'gateway to the Sahara' the ' pearl of the desert', the ' African El Dorado' is nothing now but a haggard outpost in a plain of scrub brush and sand. After having had such a long and difficult journey to get here, I feel as if I´m the butt of a great joke.” (259)

La chaleur était écrasante.

Kira n´a pas réussi a avoir une chambre avec l´air conditionné dans le seul hôtel convenable de la ville, juste un ventilateur. Elle a vagué dans les rues pleines de sable et de saleté pour finalement passer pas mal de temps dans sa chambre étouffante, en attendant son guide de Mopti, qui venait la rejoindre.

Kira avait besoin de lui pour réaliser un plan, ourdit dès le début de son voyage : libérer une ou deux esclaves, des femmes.

Le discours officiel du gouvernement du Mali nie l´existence de l´excision / infibulation et de l´esclavage, puisqu´il y a des lois qui interdisent ces pratiques. On a vu, avec Kira et les rapports des organisations mondiales de la santé, que près de 90% ou plus des femmes au Mali sont excisées ou infibulées. Mais ils ne s´occupent pas de la réalité de la coutume qui fait sévir ces odieuses habitudes partout dans le pays.

Pour ce qui concerne l´esclavage, l´ethnie des Bella, dont le statut social est semblable à celui des parias en Inde, subit toujours l´esclavage depuis des générations. Tout le monde le sait. Rien n´est fait.

Après maintes tractations, accompagnée de son guide-traducteur, Kira a réussi à « acheter » deux femmes au seigneur Touareg, couvert par des habits bleus, dont on ne voyait que les yeux.

Les femmes étaient apeurées, sans comprendre très bien ce qui leur arrivait. Kira put leur offrir la liberté et une pièce en or- de beaucoup de valeur- pour qu´elle puissent démarrer dans la vie. Leur émotion, leur sourire ont fait disparaître toutes les angoisses et la fatigue du voyage. (272-285) Finalement, aller à Tombouctou, aussi décatie fut-elle, avait bien valu la peine !

Tombouctou finalement était juste un point d´arrivée.

Le voyage pour les femmes d´aventure est en soi le défi et la conquête.

Pour Kira, la vie doit être une aventure :

“ I want the world to always be offering me the new, the grace of the unfamiliar. Which means – and I pause with the thought – a path that will only lead through my fears. Where there are certainty and guarantees, I will never be able to meet that unknown world.”  (254)

 

 

 

 

Note biografique

tania navarro swain, Professeure del´Université de Brasilia pendant 27 ans. Maintenant elle est libre. Docteure de l´Université de Paris III, Sorbonne. Elle a été professeure invitée, en 1997/98 à l´Université de Montréal-UdM, ainsi qu à l´Université du Québec à Montréal, à l`IREF- Institut de Recherches et Études Féministe. Elle  a créé le premier cours d Études Féministes au Brésil, en graduation et  Post-graduation, au niveau de Maîtrise et de Doctorat . Ses publications comprennent des livres,et de très nombreux  chaapitres de livre et articles dans des revues brésiliennes ou internationales (voir site www.tanianavarroswain.com.br) .Elle est également éditeure de la revue électronique "Labrys, études féministes", www.labrys.net.br . Site personnel : www.tanianavarroswain.com.br

 

Notes

1Voir les dossiers “femmes d´aventure dans plusieurs numéros de Labrys

2 Salak, Kira (2001). Four Corners (2 ed.). National Geographic Books. p. 320. ISBN 0792274172.

3Toutes les photos ont été prises au site de Kira Salak, http://www.kirasalak.com/

4 Trachtenberg, Jeffery (July 26, 2008). "Imaginary Journey". Wall Street Journa

5Kira Salak, 2006, The cruellest Journey, 600 miles in a canoe to the legendary city of Timbuktu, London:Bantam Books.