FÉMINISME ET L’ESTHÉTIQUE DE L’IMAGE

( conférence à l´IREF, Université du Québec à Montréal,MontréalO)

Féminisme et l’esthétique de l’image c’est un beau titre, j’en convient.

Mais de quel féminisme je veux parler? Et qu’est-ce que l’esthétique dans la perspective que je voudrais devélopper?

 Le féminismeici sera vu comme une pratique politique qui vise transformer la construction du réel a partir d’une certaine représentation du monde, d’une imagerie mentale qui définit les rôles du féminin et du masculin. La cible est donc le présent, mais je vais vous parler aussi du passé, car les énoncés des discours fondateurs des rôles sociaux  ne font que ianugurer traditions et former la mémoire. 

L´image, oui, celle qui se présente comme telle devant nous , mais celle aussi qui jaillit des textes écrits ou  parlés.

L´esthétique, dans le sens donné par Umberto Eco est la partie de l’émotion qui habite l’image, le souffle qui pénètre l’âme, qui déclanche l’amour ou la haine, l’identification ou l’exclusion. Ces trois termes posés,   j’aimerais vous entretenir de quelques réflexions sur ces thèmes qui me sont chers, dont l’originalité n`est certainement le trait le plus marquant. Cependant, les sujets sont récurrents et il faut en parler peut-être à longueur de vie.

Je suis historienne de formation et de cœur, et le temps , qui définit l’histoire est  aussi celui qui passe sur mes cheveux ,  celui qui marque d`un sceau bien défini  nos vies de femmes en tant qu`êtres dans le monde.

 Je ne pourrais donc ne pas parler d’ histoire et surtout d´historicité, marque incontournable des sciences sociales,   en tant que scansion dans une continuité aparente.

L`optique de l'histoire qui m`intéresse ici est celle qui se penche sur le passé pour mieux comprendre le présent, pour répondre aux questions qui sont suscitées dans notre quotidien, dans les relations qui nous vivons et établissons à chaque instant.

Pourquoi a-t-on besoin du passé pour cela? Nous ne pouvons pas penser l´identité sans la mémoire ni en tant qu`individu, ni en tant que groupe et la mémoire est le domaine par excellence de l`histoire.

Une histoire cependant, sans cloisonnements, qui se délecte des contacts et des apports interdisciplinaires, comme prônait déjà en 1930 Lucien Febvre, précurseur de l`histoire des mentalités. L`histoire de l`homme disait-il,  et je dirais, de l`humain, des femmes et des hommes et  de tout ce qui concerne l`humain, des menus gestes aux événements de large portée; les textes oui, mais tous les textes, non seulement les documents, mais toute la production humaine, la musique, la peinture, la littérature, la poèsie, l`iconographie en gènèral, et oh combien iconoclaste paraissait-il à l`époque.

 Les femmes ne se montraient pas à l`horizon de ses préoccupations, thème sans droit de cité dans le courant du siècle, repris maintenant avec pompe et circonstances en histoire par des grands noms comme Duby et Perrot. Le présent et ses luttes se font donc présents dans l`histoire, partie intégrante des conditions de production  de l’historien.

La thématique des femmes s’impose donc en histoire, mais il n`est pas suffisant de l `avoir il faut se décider comment l`aborder, sous quel angle, de quelle manière, sous quel aspect.. La théorisation apparaît comme indispensable à la recomposition d`un discours sur les femmes et dans la perspective qu`ici m`intéresse, interdisciplinarité est indispensable. Mais  je ne veux pas aborder les interminables discussions si ou fait  l`histoire des femmes, ou l`histoire des genres, l`essentialisme, le relationnel et ainsi de suite.

Je voudrais parler ici d`une perspective qui n`est certainement pas la meilleure, mais c`est celle où je me situe le mieux, pour l`instant, dans la pratique de l`histoire qui en fait n`est qu`un défilé de manières de voir le social. Avec un objectif, cependant: le changement politique des relations entre le féminin et le masculin. Nous en reparlerons.

Cette perspective suppose un intense travail interdisciplinaire qui s`accorde sur quelques prémisses et objectifs.

Le point de départ n`est pas nouveau: l`interaction sujet/objet, donc, d`une activité interprétative qui suppose à son tour, des conditions de réception, de conditions de production du sujet. Le sujet et son temps donne lieu au temps et ses sujets, c`est à dire, à la construction des sujets sociaux dans le temps spécifique et singulier. Ce que j´´ appelle l´historicité incontournable des relations humaines.

   Voilà la clef: l`historicité. La cassure de l`évolutif, de l`enchaînement inéluctable des faits,  le regard posé sur la construction du social dans le temps précis d´un regard. 

  Je ne veux donc  pas dire l' histoire, mais l' historicité, la singularité de l' humain, la recherche de la différence, démarche a l' envers des grands courants qui finalement ne se penchent que sur le même, la paraphrase, pour utiliser une métaphore linguistique. Sur ce même sentier, pourquoi pas la polysémie des relations humaines comme hypothèse?

Grand problème encore: comment se défaire de l' interprétation? Constatation interdisciplinaire: impossible. Donc, la réalise en tant que telle est impossible a saisir.

Cela veut dire que il n' y a pas de réalité, dans le cas de l' histoire, il n' y a pas d' évènements, de faits?Pas du tout.

 Il n’y a que de récepteurs, il n’y a-t-il donc pas de textes? Mais si, les textes sont là, les faits sont là, ils ont été là, impossibles cependant à capter dans leur densité première, leur profondeur unique, leur agencement singulier.

  Au bout de la recherche, des indices, des pistes, des possibilités. Jamais les choses telles qu’elles se sont passées. Jamais l’intention de l’auteur, même pas l’auteur, mais les conditions constitutives de sa production discursive, la construction discursive des faits tels qu’ils nous arrivent.

 La même chose en ce qui concerne les relations , les instituions, la construction sociale des genres. Au bout de la recherche,  la surprise, pas la constation d’une monotone répétition du déjà donné, du déjà vu.

 De là, l' ouverture vers le  domaine du possible. Il n' y a pas d' impossible en histoire. Mais dans ce monde des valeurs, comment les capter, les sonder, les ausculter?

Comment percer le passé et surtout a quoi cela sert -il, dans le domaine des études féministes?

Grand nombre des théories féministes non pas eu de cesse de démasquer l`insupportable discours fondateur de la nature, base de toutes les discriminations et hiérarchisations, partage du monde entre le féminin et le masculin : le naturel de tous les dualismes  de la force/fragilité, de la raison/intuition, de la supériorité/infériorité, du bon /pervers, de l’élu / de l’exclue et ainsi de suite, le naturel du biologisme qui fige les femmes dans leur destin inéluctable de mères et ainsi de suite.

Mais les cadres de pensée dans lesquels nous existons sont des prisons trop étroites et mêmes les féministes se trouvent piégées dans les discours sur maternité/ maternage/ pouvoir public et privé, donnés d’un débat posé par la construction même des rôles femme/homme dans nos sociétés.

L’envol est difficile, les attaches ne sont que trop serrées, comment dépasser son horizon épistémologique? L´éclatement des évidences en tant que méthode d’approche d’un objet de recherche semble des plus féconds : dès qu’on se dépare avec l’évidence, surtout du naturel, il faut en faire un problème et lui poser des questions. Est-ce vraiment ainsi? Était-ce vraiment ainsi? L’histoire problème, c’est le chemin qui nous  intéresse.

     Il me paraît claire que toute la période pendant laquelle le féminisme dénonçait la victimisation des femmes – universelle, donc naturelle – a découlé d' une méconnaissance  historique- parce que les cadres de pensée dont nous relevons ne permettaient pas que le problème se pose autrement: au lieu de l' universalisation pour dénoncer l' oppression, la question aurait pu être :" ont elles toujours été opprimées «  ? Mais cette question correspond a un autre présent, à une autre manière de penser le féminisme, possible lors de son éclosion, discours de rupture d"un certain cadre de p ensée, pour vous en donner un exemple des conditions de production de la pensée.

  De  toute façon  même l' omniprésence du pouvoir en tant que domination est aussi une question  pour la réflexion. S’ il y a toujours eu du pouvoir , il y existe aussi une nature quelque part dont il surgit. Et cela nous ramène au début de toute justification pour la prétendue infériorité des femmes: la nature humaine.

   L' histoire nous dévoile l' spécificité des relations humaines, fenêtre ouverte sur une immense complexité, puisque nous nous défaisons de la notion de nature humaine..

Porquoi ne voit-on pas de femmes apparaître dans l' histoire qu' on nous conte? Justement parce qu' elle est contée, et le tissu même de l' histoire est ourdi dans des cadres de représentations mentales qui n' admettent que le possible connu.

    En psychologie sociale, selon Moscovici, ce processus de familiarisation s' appelle l'ancrage, on met donc des amarres lorsque les images du monde se présentent de façon  trop libre. Trop différentes du connu, du proche, du stable, de ce qui rassure, l’ancrage  domestique le désordre du monde, en le ramenant au familier. Une autre façon de ce faire est  cacher, oublier, nier, détruire, effacer, transformer tout évènement , relation, situation historique qui ne relèverait pas du cadre de pensée de l’analyste ou de l’historien.

. Par exemple : les Amazones ont –elles existé? Avant toute recherche on devrait être capable de dire : pourquoi pas? Lydie, Carie, lieux plus ou moins « mythiques »domaine des amazones, des guerrières , domaine de la déesse Cybèle la noire ou du temple d’Artémis, une des 7 merveilles du monde pourquoi n’en parle –t- on pas? Le Petit Robert II nous enseigne qu’  à Éphèse,  où se trouve le temple, se tint le       3 ème concile oecuménique et fut haut lieu de la prédication de Paul l’ apôtre. Pas un mot sur la déesse Artémis, dont le culte fut très important et répandu. Par contre, il nous parle d’ Éphèse comme patrie d’ Appelle, Callinos, Hipponax, Parrhasios.

L’existence  des Amazones a été niée d’une façon trop empressée, trop répétée dans les discours sociaux, trop vite renvoyée au domaine de l’illusion et du rêve.

Et les sorcières, ont-elles vraiment existé, le sabbat était –il vraiment pratiqué, ou bien une certaine représentation des femmes a donné lieu aux bûchers  dont les flammes ne sont pas encore éteintes dans l’imaginaire social? D’un côté on créé, de l’autre on nie, au gré des représentations qui se condensent en des réseaux de sens particuliers autour de l’image des femmes

  Processus inconscient ou voulu, oubli involontaire ou décidé, l’histoire qui nous est livrée n’est qu’un  travail de courtepointe dont les couleurs et le format dépendent des conditions de production du discours de l’historien, son cadre personnel de réception des documents, la problématique de son temps, les questions que lui posent son propre présent..

Indissociable circularité , le passé et le présent se  constituent ensemble , dans un seul mouvement.                

 Je parle ici d' une histoire qui cherche a donner la parole aux documents,à  faire apparaître ce qui a été caché, dont les femmes, et que la construction de l' histoire a obscurci et a fait disparaître.

Nouvelle interprétation? Oui. Sa valeur s’attache à la problématique , au cadre théorique et méthodologique de son temps, de ce temps. Puisque l’historien/enne sont également plongé/es dans  une incontournable historicité.

 Le domaine  que nous intéresse est celui  de  l’image, qui nous mène au délà des limites de l’écriture, des bornes de l’histoire officielle, celle qui  construit la mémoire de l’Occident à partir des Grecs, dans un flot de paroles tellement encombrant que 40 mille années de vie humaine sont presque effacées, perdues dans les coulisses d’un discours « mythique « .

L’image crée une esthétique du quotidien  dans le sens indiqué plus haut , source d’émotions lorsqu’ elle déclanche des réactions afectives d’ adhésion ou de rejet , d’identification ou de négation ; une image est toujours chargée de sens  et sa construction répond, encore une fois, aux conditions de production et de représentation de son auteur.

 Une image n’est pas neutre, comme ne l’est pas non plus un texte, elle affirme ou infirme une représentation, une construction du monde et de la réalité .

L’étude de  l' imaginaire est essentielle dans cette optique, car nous pouvons y per.cevoir les images de genre qui defient le binaire figee , d' une polarite presentee comme immuable.

Dans un debat recent sur le langage, les questions de l' auditoire tournaient plusieurs fois sur la même questions: pourquoi ce refus du feminin pour les dénominations prestigieuses?

Je dirais que justement a cause des images du feminin et du masculin qui charrient des qualités et des valeurs dans tous les domaines du social, dont la langue. On ne rabaisse pas la 13l' excepcionalité du fait.  Le travail des linguistes québecoises est remarquable dans ce cadre, dans la mesure où la féminisation des mots, travail qui semble anodin exerce un pouvoir certain sur l' imaginaire du présent et sur les représentations du monde. 

L’histoire abonde dans ce sens car l’identité est aussi faite de mémoire. Pourquoi, dans ce present si diffficile d' etre changé, se pencher sur le passé? L' histoire nous parle aussi d' identité du feminin. Pas une identité immobile, fondée sur des caracteristiques immuables mais d' une identité faite de mémoire, celle même qui a fondé l' idée de nature humaine;  mettre en lumière une autre image des femmes au cours du temps, une image positive don’t la mémoire pourrait  servir de fondement aux identités qui se profilent de nos jours, c’est l’histoire que nous proposons.. Images plurielles, identités plurielles, dans une perspective, cependant, qui déconstruit la polarité bon/ mauvais, liée invariablement au binome masculin/féminin.

Les représentations  ne sont pas un simple reflet du monde, au contraire, la perception du monde faite par sa represéntation est elaborée selon les conditions d' insertion de l' individu dans le monde.

 Donc, elles créent le monde au moment même de le représenter.Le langage est un mode de représentation du monde, ainsi que toute la production iconographique depuis l' âge de la pierre jusqu' aux media ultra- tech. Les documents 'ecrits nous éveilent des images et l' iconographie nous présente des images, images chargees des valeurs, des hierarchies, des définitions, des exclusions, des limites, des bordures, de refus, de résistence, de pouvoir ou d' autres options qui peuvent nous apparaitre de forme surprenante.

Il faut des yeux qui s' ouvrent vers le possible, en utilisant d' autres moyens d'accès au réel, dont la symbologie , la mythologie, les récits sans âge qui nous retracent une mémoire du possible.

 Guerrieres,  déeses, reines a part entieres, prêtresses, pratiquant tous les offices, les tâches, les postes de commande et de décision, femmes engagées dans le politique et le social, responsables des groupes, des populations entières, ces images jaillissent d' une documentation filtrée par le regard des historiens qui construisent l' histoire à leur image et similitude, comme l'homme la fait avec dieu,assurant ainsi sa propre image d' un masculin divin, hors de la portée de son antipode, le feminin..

Dieu est mâle, mesdames, mais et " quand dieu etait femme?"" Est-ce que les images du feminin et du masculin n' etaient pas autrement? Porquoi on n'en parle pas ou si peu? Pourquoi les curricula des cours d' histoire donnent si peu de place a la haute antiquité aux lieux ou le féminin était consideré en tant que force céatrice du monde. Porquoi parle-t-on si peu de Crète, du culte de Cybèle, la noir, qui même à Rome était si puissant?

        Sur l’art paléolithique, qui pendant 30 ou 40 mil ans a produit des images des femmes et du féminin, l ‘Enciclopedia Encarta sur CD-rom nous informe que sa production se tournait vers les petits animaux et la fertilité. Les stéréotypes et  les valeurs sont ainsi exprimées: la sculpture qui a trait aux animaux est décrite comme “symbolisme de la dépendance de l’humain vis-à-vis de la chasse pour manger”,- ce qui n’est pas du tout prouvé- et quant aux formes humaines, féminines dans leur presque totalité  sont considérées très exagerées, sexuelles,” simbolisme de l’ancienne préoccupation avec la fertilité.” Ce genre de déclaration abonde dans le sens d’une analyse téléologique de l’évolution de l’humanité, allant du primitif vers les civilisé: ce qui a traît à la femme et au féminin fait partie du primitif, de la magie, de l’obscure. Dans cette immense période de temps où l’imagerie tourne autour du féminin, celui – ci est réduit à son expression la plus réduite, la réproduction.

                James Fraser, historien des religions , obligé de parler des déesses de l’antiquité , fati cependant sa petite remarque misogyne, lorsqu’il affirme que même le culte des déesses fut crée par les hommes, car les femmes sont incapables d’une pensée metaphysique.

Porquoi parle-t-on de l' exclusion des femmes à partir des grecs et ne parle-t-on pas des activites sociales qui tournaient autour des femmes comme les Grands mysteres d'eleusis ou les jeux d' haloa, menes par des femmes, plutot que de parler de leur exclusion aux jeux olympiques a partir de 700ac?

Lorsqu' il faut prouver l' absence des femmes dans l' histoire le temps n' est jamais si recule- l' inverse s' aèere strictement impraticable.

Encore dans le domaine de la pré-histoire, les ré-interprétations nous montrent la prégnance des cadres de  pensée dans la description du monde: les flèches qui apparaissent tant de fois dans les dessins des grottes - signes de `la chasse- sont dorénavant vues comme tiges de plantes. Le caractère pacifique et non armé des cultures paleo et néolithiques commence à apparaître.

La bonne société matriarcale contre la mauvaise société patriarcale?

C' est encore un raisonnement simpliste, dualité, issu de notre présent et de l`interdiscours hégémonique. Le renversement n' assure pas la vérité, uniquement les possibilité d’existence d’une forme d’être autre, d’ une autre manière de relation entre les humains qui ne passent pas nécessairement par la force, la domination et le pouvoir. Mohenjo Daro et Harapa,en Inde Teotihuacan,au Mexique,`Catal Huyuk,en Anatolie, Vinca en Europe centrale, villes perdues dans les millénaires AC, dont les vestiges ne révèlent ni armement, ni violence, ni agressivité. Où, simple coïncidence, évidemment,  le féminin était placé au centre des représentations iconographiques.

Il est très important de récupérer l' histoire de la haute antiquité lorsqu`il s'agit de donner un cadre de référence aux femmes;et ce n' est pas du tout chercher le domaine d' un paradis au féminin, bien qu' il ait pu existé, mais de reprendre en main le discours de l' histoire pour ouvrir les portes à l' impensé. Sous le générique masculin des millions de femmes ont été effacées:  celles qui ont sculpté, écrit, gouverné, découvert, analysé. Avez vous songé que les dessins de la pré-histoire ,  l' art qui a traversé les siècles dans toutes les cultures a pu être la création des femmes? Avez vous imaginez qu`une grande partie des oeuvres de l`humanité aient pu être réalisées par des femmes? Régine Pernoud a démontré qu’environ  3/4 des iluminures par elle analysées ont été faite par des femmes , le saviez-vous?

En ce qui concerne les sociétés très éloignées dans le temps, les mythes sont des sources inépuisables: lorsqu' on s' interroge sur l' implantation du patriarcat, comment ne pas avoir recours, par exemple à la mort de Tiamat par son fils Marduk? comment ne pas tenir compte d`une certaine symbolique qui fut transformé dans le temps et dans de réseaux de significations fort différents comme le serpent lié à la déesse , devenu symbole du mal? Comment ne pas voir dans la naissance d`Athéena -celle qui naît de son père- le renversement de l`ordre du monde, la vierge guerrière - l' amazone, en somme- qui va combattre du côté du male? Athéna se place du côté du mâle et son action abouti à domestiquer les Furies, les forces protectrices de la déesse, qui deviennent les Bienveillantes.

Les mythes nous parlent d`un monde qui s`est modifié , dont les paramètres se sont mués. Sans date précise, sans limites déterminés, les changements prennent le chemin du naturel, du « toujours ainsi ».

Mais dans le domaine de l’interdiscours, les éléments mythiques se ré- semantisent  et dans le temps présent nous voyons apparaître des éléments mythiques: le héros, le sauveur, la femme maléfique. La résurgence du  mythe rassure, en quelque sorte, donne à son énoncé un poids et une autorité nouvelles. La déesse renaît dans le quotidien de nos jours, revêtue d’une charge de violence et de mort , reliée au féminisme pour mieux le blâmer.

        Je prends comme exemple une bande dessinée qui s’appelle Vampirella ,  trouvée dans une boutique de livres usagés , dont le numéro que je vous présente fut choisi complètement au hasard.

La couverture : l’histoire.

Revenons donc à la question de la mémoire et de la tradition: comment donner une identité aux femmes, puisque la mémoire qui les concerne ne fait que les rabaisser et nier leur existence en tant qu' être dans le monde? \Comment récupérer l' image de soi dans le présent, si le passé affirme l'incompétence, l' infériorité, le manque de qualités et de vertus, le manque d' esprit de d' intelligence?Comment refaire un monde ou les représentations de la femme continuent d' être malmenées et reproduites en termes d' infériorité par la langue et les images>?

Un beau mot de foucault nous incite, en tant que femmes de lettres et de pensée, a essayer le changement a tous les niveaux: " je rêve de l' intellectuel qui renverse les évidences" qui finalement dénature le naturel. C' est ce que nous essayons de faire, mais ceci doit être sur des échelles et des mouvements solidaires et séparée: un, au niveau de la théorie, vue en tant que instrument, en tant que outil de travail, pas en tant que prison explicative ou limites tracées ou nous n' avons qu' a nous battre pour essayer de définir le meilleur chemin. Il n' y a pas de meilleur chemin, il y a des chemins qui peuvent être complémentaires dans la recherche d' un but commun, dont l' historicité même annonce la portée.

La théorie est trop souvent un lieu de bataille ou de résistance, là ou cette même théorie peut servir d' impulsion ou de référence pour une autre représentation du féminin. Qu' importent les limites du théorique du moment ou l' on peut les dépasser, et essayer de refaire un monde, non seulement par la dénonciation de l’oppression, mais aussi par la construction d' un imaginaire nouveau, basé sur une mémoire remise a jour, remise en lumière, qui rend possible , qui repose sur l’autorité du discours académique une autre représentation du monde?

Le travail politique se fait donc en deux volets, qui se dédoublent en trois: le théorique, qui déconstruit les fondements mêmes de cette notion polarisée féminin/masculin et met ainsi en lumière les représentations du monde sous-jacentes aux discours sociaux, fondements des pratiques d' exclusion et infériorisation des femmes et l' action politique proprement dite dans son sens élargi, qui contemple les spécificités des femmes en tant que femmes et en tant que groupes sociaux dont les intérêts et besoins ne sont pas nécessairement les mêmes.

Ces axes de travail sont de longue durée, mais les mouvements sociaux ne se font dans une seule et même direction comme on pensait auparavant, vers le meilleur, les reculs sont parfois plus puissants que les pousses vers l' avant.

Les conquêtes politiques sont a double tranchant: au Brésil le Secrétariat au Condition des femmes a longtemps été laissée aux épouses des hauts personnages, dont les militaires, retirée ainsi des mains des féministes, avec des activités dont le niveau revient a l' assistance, pas au changement social.

Changer les mentalités et les représentations du monde est aussi important que changer les lois - la coutume détermine les relations la loi l' entérine, la réglemente, en fait.

Que trouvons nous  de nos jour s en tant que représentations du féminin et du masculin? Quels sont les discours du présent qui reproduisent les énoncés du passé autour d’un féminin égal a lui même dans la continuité du temps, mais surtout clos dans le domaine de la différence.? De quelle différence parlons nous?

 Ce concept nous mène à la notion d’un référent premier, d’une identité immuable,  d’un continuum qui traverse les temps au cœur d’une essence. De quelle position de sujet parlons nous? De quelles conditions de production élaborons nous  le discours féministe? Nous sommes  à la lisière d’un horizon épistémologique que oblige l’ouverture des cadres de pensée et surtout oblige à contempler ses propres conditions de production et lieu de parole. Nous sommes le contre-imaginaire , nous sommes la résistance au pouvoir.