LA CONSTRUCTION IMAGINAIRE DE L'HISTOIRE ET DES GENRES: LE CAS DU BRÉSIL AU XVIÈME SIÈCLE.
Qu'est-ce que l'histoire, finalement, sinon une immense lacune, une interrogation éperdue, un silence sans bornes, dont les limites possibles se trouvent dans le bruissement du temps , rattrappé de justesse par quelques pages gribouillées, quelques inscriptions cachées, traces de l'humain à jamais méconnues ? La recherche du réel en histoire est de nos jours et dans une certaine perspective théorique , une tâche inutile, car la réealité du passé arrive au présent par le biais d'une infinité de médiations, ne serait-ce que le sujet lui -même qui interroge les sens , laboureurs du temps. Ce que nous cherchons ici, ce n'est donc pas le clivage entre le véritable et le mensonger , mais les sens qui émergent des discours émis dans le passé et sur le passé. Cette optique nous permet d'apercevoir, par exemple, au moment de la découverte du Brésil les représentations que font les Portugais des Indiens et celles de l'historiographie qui les interprète. [1] Montrer la présence et l'action des femmes dans les narratives et les descriptions des chroniqueurs du XVIè. siècle est une contribution à l'histoire des femmes ; démasquer le silence, dévoiler le rôle social et politique des femmes portugaises ou indiennes est la tâche d'une histoire au féminin. D'autre part,analyser les descriptions ultérieures des us et coûtumes des Indiens , leurs relations avec les conquérants dans l'historiographie est fort utile pour comprendre les représentations de genre de l'époque contemporaine et du présent. Ce présent, malgré trois décennies de féminisme, en dépit des débats théoriques et d'une abondante production académique sur les femmes et les relations de genre,nous offre, dans les modulations imaginaires du quotidien, des images figées de femmes et d' hommes qui re-construisent les hiérachies et les dominances sociales selon des valeurs qui leur sont attribuées historiquement. Cependant, dans le silence et l'obscurité de l'histoire, il existe un inépuisable réservoir de relations humaines, de toutes formes et couleurs,cachées par une prétendue "nature " humaine immuable , siège presque divin des déterminations sociales de genre. Ce qui nous guide dans ce travail c'est la notion de raison historique, c'est-à- dire, l'historicité inéluctable de tout cheminement humain, la perpetuelle mouvance des représentations du monde et également de genres qui, cependant,réapparaissent continuellement, re-sémantisées, universalisées par le discours historique, soi- disant scientifique Lorsqu'on utilise la catégorie genre dans l'analyse historique, cependant, la fragmentation de la diachronie permet de dévoiler de situations et de cas précis où les relations entre femmes et hommes se déroulent de façon imprévue. Tel est le cas des discours qui concernent la découverte du Brésil: ceux des chroniqueurs Portugais ou Français confrontés à l'étrange et au merveilleux et ceux des historiens contemporains, qui interprètent ces discours et en produisent d'autres, tout aussi dépendants des classifications et des schémas mentaux. Les chroniqueurs du XIVè. siècle tissent leur narrative autour du regard, décrivent ce qu'ils voient et c'est l'étrange et le merveilleux qui remplissent cette vision . L'aventure dans laquelle ils s'embarquent est , dans sa quête de re-connaissance, un locus priviligié de l'épiphanie du merveilleux. Les Indiens sont également stigmatisés par cette dualité, abominables et attrayants, anthropophages mais libres et nus, d'une nudité perverse et , oh, combien!, desirée.[2] L'étrange et le merveilleux percent leurs schémas de représentation du monde, créent des ruptures qui bouleversent leurs sens et les sens. Cependant, la minutie des descriptions révèle un insoutenable besoin d'attribuer des significations à ce qui, d'emblée, est dépourvu de sens. Dans leur imaginaire les représentations ne sont plus valables pour identifier l'ordre du monde, qui sera donc, remplacé par l'ordre du discours.C'est ainsi que les chroniqueurs décrivent l'organisation sociale des Indiens, tout en l'interprétant selon les signifcations qui leur sont habituelles. "Ni Foi, ni Loi, ni Roi" c'est la formule que l'on retrouve plusieurs fois pour décrire une société dont les valeurs et les liens étaient autres, donc, "étranges". Ainsi,selon les chroniqueurs, les Indiens n'avaient pas de chef et vivaient selon leur bon vouloir; il existait un Indien nommé "principal", chef uniquement en cas de guerres, sans pour autant disposer d'une autorité absolue . Il avait plutôt un rôle d'organisateur, mais tout en décrivant cet état de fait, les chroniqueurs lui attribuent une place hiérarchiquement supérieure. Les chroniqueurs laissent supposer une société régie par les hommes, mais un regard attentif décèle des rapports beaucoup plus nuancés. Les relations femmes/ hommes sont très detaillés chez tous les chroniqueurs et malgré l'accent mis sur les activités masculines,surtout la guerre, ils ne peuvent s'empêcher de souligner l'importante économique et sociale des femmes. Si celui que l'on écoutait est le chef , c'étaient à cette époque les sorciers, les " pajés" - femmes ou hommes, les véritables meneurs. Le pouvoir est donc celui du conseil, partagé par femmes et hommes,selon le cas et déterminè souvent par l`age. Chez les Indiens, les hommes n'avaient pas d'autorité sur les femmes, comme l'indique Claude d'Abeville [3] ce qui est un point très important dans les définitions de genre. Du point de vue sexuel,Thèvet affirme que "[...]le peuple est fort luxurieux, charnel et plus que brutal,les femmes spécialement, car elles cherchent et pratiquent tous les moyens d'émouvoir les hommes au déduit"[4] Les Européens , au vu de cette liberté de moeurs, traitent Les indiennes comme des prostituées et ces considérations sont transplantés dans le temps par les analystes modernes,tel que Gilberto Freyre: " [...] Les femmes étaient les premières à se donner aux Blancs, les plus ardentes allant jusqu'à se frotter contre les jambes de ceux qu'elles supposaient être des dieux."[5] Dans le domaine de la vie quotidienne, selon les descriptions des chroniqueurs, les femmes sont extremement actives. Les Indiens en sont très dépendants , autant pour la survue que pour l'intégration sociale. C'est ainsi, par exemple, que la production économique et la cohésion sociale sont assurées par les femmes: elles plantent, font les récoltes et le traitement des produits. Thévet, après avoir expliqué amplement en trois pages et au masculin tout ce qui étaient planté et la manière de le faire, ajoute une petite phrase qui, de son point de vue, classifie et au même temps desqualifie ce travail: " Tout le négoce de ces racines est remis aux femmes, estimant qu'il n'est pas séant aux hommes de s'en occuper."[6] La manière dont il s'exprime dirige la trajectoire de la comprenhénsion du récpeteur, en dévalorisant ces activités au regard de la dignité de l'homme.Il est toutefois passible d'autre interprétation: les hommes n'étaient peut-être pas dignes de les exercer. Les femmes détenaient également le savoir de l'art du tissage , de la céramique, de la peinture et l'incision sur les corps humains- signe d'honneur et de beauté . Selon d'Abeville,elles faisaient "[...] des desseins admirables sur les corps" .[7] Mais Gilberto Freyre, de son côté, tranche: "Même la magie et l'art s'ils ne sont pas choses de la femme, se développent par le truchement de l'homme éfféminé et bisexuel, qui préfère, à la vie de mouvement et de bataille du mâle pur la vie régulière et domestique de la femme."[8] Dans ce cas, le domaine des représentations est tellement fort qu'il préfère remettre les arts et la magie aux mains des 'éfféminés', - hommes, malgré tout.Pour lui, malgré les évidences, la créativité ne pouvait exister que dans le domaine du masculin. Selon les chroniqueurs,les femmes avaient un rôle et une place déterminants dans les relations sociales, non pas comme objet d'échange et de valeur, mais comme sujets dotés d' importance et de prestige dans leur rôle et leur condition de femmes. Les hommes sont obligés, d'ailleurs de passer par des rites initiatiques, dont celui de la guerre, pour entrer dans le monde des femmes, et recevoir leur statut dans la société indigène. Dans cette société ce sont les femmes qui donnent du prestige aux hommes: celui qui a des filles "[...] est le plus estimé,le plus honoré de tous, [...]"[9] Après le mariage,ils vont resideer avec leurs femmes chez les beaux parents et abandonnaient ainsi leur propre famille, père, mère, frères. Ce sont donc, les hommes qui se déplacent et intégrent la famille de la femme . La polygamie des Indiens , qui a fait couler beaucoup d'encre, était surtout pratiquée par les Principaux, les "héros"de guerre.En regardant de plus près, cependant, nous observons que plusieurs femmes le choisissaient pour sa bravoure au combat et son prestige dans la tribu était dû à ces femmes qui l'entouraient. Les femmes se partagent donc un meme homme, par libre choix, ce qui est totalement different de la possession de plusieurs femmes par un homme. La guerre était de très grande importance pour les hommes, c'était pour eux la manière, par execellence, de se placer dans la sociéte, car le fait de faire un prisionnier ètait leur clef d`integration au monde des femmes et de la majorité. Le partage des rôles selon les genres n'impliquait ni domination ni hiérarchisation, dans la singularité de son régime de vérite et de ciurculation de sens. Nous ne voulons pas décrire une société parfaite, loin de là.Il est possible, toutefois de constater une rupture de la monotone représentation binaire polarisée femme/ homme, fragilité/ force; dominée/ dominant, mauvais/ bon, objet /sujet. L'idéologie serait l'imposition d'un sens et donner sens à l' étrange, comme nous l'avons souligné, c'est remettre les choses en ordre, c'est rendre familier ce qui paraît impossible ou bizarre, comme une société où les femmes sont libres et les relations de genre ne sont pas déterminés par la nature même des sexes. Cette forme idéologique de descriptions des moeurs des Indiens devient un discours fondateur, celui qui instaure et crée une nouvelle mémoire, et une autre tradition. Les considérations sur le patriarcalisme de la société indigène brésilienne font partie d' un discours fondateur dont la mémoire et la tradition sur la relation des genres sont ainsi inaugurées au Brésil,sous le cadre général de la dominace de la femme par l`homme. Ce sont de telles affirmations, qui instituent dans l'imaginaire social la représentation d'universalité dans le rapport hiérarchisé entre femmes et hommes, rélation frappée de l' indélebile sceau du "déterminé pour toujours", des origines à la fin de 'humanité, enteriné par le présent. C'est ce genre d'évidences qu'une histoire au féminin doit renverser. CHOISIR SON GENRE Les Indiens du Brésil connaissaient très peu de contraintes sexuelles, en dehors de quelques interdits entre parents.D'autre part, chose remarquable pour les études sur le genre, les catégories femme / homme n'étaient pas définies à partir du sexe biologique . En effet,chacun pouvait choisir l'appartenance à l'un ou l'autre groupe et exercer sa sexualité comme bon lui semble. L'homosexualité était une pratique comme une autre, et n'entraînait aucune forme d'exclusion. Gilberto Freyre, notre contemporain, tranche sur la question : "Il est impossible de vérifier jusqu'à quel point, en Amérique primitve la pratique venait ou non de perversion congénitale. En fait, la pédérastie n'avait pas sa source dans le manque ou la rareté des femmes.[...] mais dans la ségrégation des jeunes gens dans les maisons secrètes des hommes."[10] Gandavo, au XVIème. siècle, tient un autre type de discours, où il aborde, en passant, un sujet tellement brûlant qu'il en parle du bout des lèvres: " Quelques Indiennes choisissent la chasteté et ne veulent pas d'homme,d'aucune façon et n'auront de commerce avec d'aucun, même sous menace de mort. Elles abandonnent le monde des femmes et restent avec les hommes dans toutes leurs activités, comme si elles n'étaient pas des femmes. Elles se font couper les cheveux comme les mâles et font la guerre armées d'arc et de flèches, et vont à la chasse, toujours dans la compagnie des hommes, et chacune d'elles a une femme pour la servir et elles disent qu'elles sont ainsi mariées et ont des relations intimes comme mari et femme."[11] Le choix d'être homme ou femme ici apparaît évident: si la femme décide être un homme elle sera considérée comme tel, et acceptée comme tel. L'individu choisi donc son genre, son rôle sexué dans la société et son rôle social en découle.Il n'y avait pas d'imposition "naturelle" ou de contrainte sociale visant l'hétérosexualité. Les discours positivistes sur l'évolution ou sur la sauvagerie ne réduisent pas l'importance de ce fait, dont la matérialité du réel nous échappe. Sa raison historique, son historicité , l'émergence dans la littérature du XVIème. siècle d'une société dont les membres peuvent choisir le genre auquel ils veulent appartenir constitue un évenement, une rupture dans l'ordre du discours. C'est une faille qui se crée au niveau de l'imaginaire et qui ouvre les horizons du possible en histoire. Toutesfois,l'historiographie comme nous le verrons plus loin, ira rapidement colmater ces brèches et ramener le discours à l'ordre du monde. Un autre volet fort intéressant de l'histoire des chroniqueurs est celui de la présence des Amazones, qui les intriguent et les perturbent. En effet, au XVIème.siècle, les femmes avaient été délogées, en grande partie, de la vie politique et économique en Europe. L'imaginaire chrétien devenu hégémonique à l'époque, les femmes étaient représentées comme des êtres mentalement, moralement et physiquement fragiles[12] Mère, sainte ou démon, ces classifications ne supportaient pas l'image de guerrières, de femmes fortes et indépendantes, capables de lutter, tuer et assurer leur survie dans les forêts. Les chroniqueurs cheminent entre le merveilleux et la terre ferme de leurs représentations. Le merveilleux apparaît ... pour mieux disparaître, pour mieux assurer l'ordonnance du monde, ses valeurs et ses impositions. Les Amazones sont des être improbables, impossibles, puisqu'elles échappent au "naturel", à l'ordre du divin et à l'institution de l'humain.Elles sont cependant là, dans leurs discours,dans un grand souffle qui balaye les marges et limites du possible. Les chroniqueurs parlent plusieurs fois des femmes guerrières , qui participent aux luttes contre les Européens. Sauvages, mais femmes qui partagent la vie des hommes, normales, en quelque sorte. Gandavo, raconte que parmi les "aymorés" [13] "[...]les femmes portent des perches lourdes aiguisées au feu, avec lesquelles elles luttent". Les Amazones font partie d'une autre espèce, femmes seules, indomptables, féroces, qui sèment la peur et la crainte autour d'elles. Renvoyées au merveilleux, les Amazones se font crédibles aux yeux des colonisateurs, car le merveilleux détient une place essentielle dans le monde du XVIème. siècle, ne serait-ce que pour mieux assurer l'ordre du "réel". Le rapprochement que font les chroniqueurs dans leurs discours entre les guerrières indigènes et les Amazones grecques instaure un contrat veridictoire ambigu avec les recepteurs d'époques postérieures, dans la mesure où ce qui est présenté comme étant réel est aussitôt renvoyé à la dimension d'un mythique d'un fabuleux , illusoire. Gabriel Soares de souza fait allusion , par exempple, t aux combats menés par ces guerrières, dans ce cas, avec le groupe des ubirajaras: ' [...]d'un autre côté, ils guerroyent avec des femmes, dont on dit qu'elles ont une seule mamelle, qui luttent avec des arcs et des flèches et qui se gouvernemt et régentent sans mari comme on dit des amazones; dont on n'a plus d'informations, sur leurs vies et coûtumes."[14] Thévet raconte également la rencontre des espangnols avec les guerrières et évalue leur nombre entre 10 et 12 mille. Le merveilleux qui traverse les représentatrions crée un espace possible pour l'existence des femmes dont le mode de vie se passe de la présence et de la compagnie des hommes. Dans les représentations binaires du monde, il est impensable que des femmes choisissent de vivre entre elles , par libre option . De nos jours, Sergio Buarque de Holanda renvoya définitivement les Amazones indiennes au mythe; pour lui, le fait de voir des femmes guerroyer aux côtés des hommes pouvait crée l'image des Amazones: "[...] de semblable spectacle toutefois, où semblent se mélanger le réel et le fantastique, devait naître l'ambiance propice au mythe." [1][15] Pour lui, les histoires racontées par les Espagnols étaient des productions typiquesd'un imaginaire exacerbé par la quête du merveilleux. Les Amazones étaient alors placées au même titre que la Source de Jouvence, l'Eldorado, les monstres qui habitent la terre et les mers: Il souligne, d'ailleurs, que, hors des catégories du possible, l'existence des Amazones était "[...] la confirmation de tout ce qui voulaient croire le capitaine et ses compagnons.[16] Dans le partage entre réel et imaginaire, l'histoire tranche sur ce qui est admissible dans l'épaisseur du réel:uniquement ce qui contient les représentations disponibles pour le décodage des signes. Qu'elles aient existée ou non, n'est pas la question.Ce qui vraiment importe est la possibilité de leur existence, niée par l'histoire dans le cadre des représentations binaires de genre. De son côté, l'historiographie contemporaine reprend les chorniqueurs pour brosser son tableau des sociétés indigènes. Un fameux sociologue brésilien,Florestan Fernandes,[17] dans son cadre de représentation classifie les Indiennes qui choissisent le rôle masculin dans la société comme "tribades" ; il cite les chroniqueurs, qui indiquent simplement leur existence et leur manière de vivre,en y ajoutant ses propres jugements de valeurs: " Selon ces sources, les femmes tribades assumaient les attitudes culturellement définies comme étant masculine [...]adoptaient la forme masculine de se coiffer et se mariaient commeles hommes [... Formellement,cependant, il paraît que ceci était un simple moyen pour attribuer un status aux femmes qui constituaient des déviations psychologiques [...][18] L'auteur ajoute également: "Si l'on s'en tient aux informations, ces déviations étaient peu fréquentes et en quelques circonstances, du moins, selon les informations de Gandavo, la société éliminait ce problème en éliminat ces femmes tribades."[19] Ces citations sont un exemple de choix pour montrer l'interférence du cadre des représentations d'un auteur sur ces explications, d'autant plus qu' une lecture minutieuse de Gandavo ne permet aucunement d'admettre l'élimation de ces femmes, ni que leur existence puisse consituer un problème pour la tribu. Maladie, problème,déviations psychologiques, les possiilités infinies de l'histoire des relations humaines sont réduites aux exclusions modernes ou aux éternels silences, lorsqu'il s'agit des relations entre femmes. Par contre, les relations homossexuelles entre hommes sont plus abordables e/ ou explicables. Florestan Fernandes s'empresse de les justifier par la necessité: " Il me semble que les pratiques sodomitiques des Tupinanbás doivent être vues comme paliatifs aux difficultés d'obtention de partenaires sexuels."[20] En effet, l'homossexualité masculine fait partie de l'histoire connue sans que son apparition n'entraîne des modifications dans l'ordre de la représentation binaire des genres. Nous voyons ainsi l'interprétation qui sculpte une société au gré des représentations du présent,où se perpétuent des rôles qui déterminent les genres par une "nature" universelle, manifestée, selon cette optique, dans une monotone uniformisation historique. Cependant, la raison historique nous démontre que dans le domaine des relations hunamines et de la nature elle-même tout est possible et que la singularité est l'objet même del'histoire. Toutefois, ce que l'histoire ne dit pas n'a jamais existé. Et l'histoire passe sous silence ou jette dans le domaine des bizarreries ce qui n'est pas semblable, ce qui ne se manifeste pas par le même. Ainsi,le babillage des discours construit une histoire à l'image de leurs auteurs et de leurs représentations, selon les valeurs attachées à une vision binaire du monde. Les réseaux de sens singuliers qui donnent une signification aux images de soi et de l'autre sont ignorées, dans la mesure où des axes rigides d'interprétation empêchent , réduisent l'infinie polyssémie des relations humaines. Dans ce cadre, les femmes furent expulsées de l'histoire, non pas parce qu'elles en étaient absentes, mais bien parce que le discours historique les a rendues invisibles, les a façonnées inéxorablement comme des êtres inférieurs , figés dans des rôles subordonnés, dominées, même là où les indices crient à la différence. Le libre choix des genres dans la société indigène brésilienne, à l'époque de la découverte, montre que la " nature-elle-ment[21]".Les études féministes se doivent de revoir la place des femmes et le partage de pouvoir entre genres dans leur historicité,donc leur pluralité; la raison historique montre que les réseaux de sens sont singuliers et dévoilent la polyssémie des relations humaines.
[1]voir a ce sujet, par exemple, Michel de Certeau. A escrita da história , Rio de Janeiro, Ed. Forense,1982,345 pgs. [2]voir à ce sujet, le chapitre V de Michel de Certeau, A escrita da história ,Rio de Janeiro,. Forense/Universitária, 1982. [3]Claude d'Abeville, História das Missões do Padres Capuchinhos na Ilha do Maranhão e terras circunvizinhas, São Paulo, Livraria Martins Edotpra.1945, . p.223 [4] André Thévet, Les singularités de la France Antartique- le Brésil des cannibales au XVIème siècle, Paris, Ed. La Découverte, 1983t. p.103 [5]Gilberto Freyre . Maîtres et esclaves, la formation de la société brésilienne, Paris, Gallimard, 1974, p. 98 Cet auteur fut traduit en plus de trente langues, tel a été sa renomée. [6]André Thévet. op.cit.p.149 [7]cf. Claude d'Abeville, op. cit. 217 [8]Gilberto Freyre, op. cit. pgs.126/127 [9]Gabriel Soares de Souza. op. cit. p.304 [10]Gilberto Freyre, op. cit. p.130 [11]Gandavo, op. cit. p. 56 et 57 [12]voir, à ce sujet, Jean Delumeau. La peur en Occident. XIV/XVIIIè.siècle , Paris, Fayard, 1978 [13]Aymoré était un des peuples Iindiens du Brésil, dont les tamois, les tapuias, les goitacases, les tupiniquins et les tupinambás faisaient parties.. [14]Gabriel Soares de Souza, op. cit.337 [15]Sergio Buarque de Holanda, Visão do Paraíso, São Paulo, Ed. Nacional/USP, 1969 p.25 [16]idem, ibid. pg. 28 [17] auteur très connu dans les milieux académiques brésiliens et internationaux, professeur à la USP et à l'Université de Toronto [18]Florestan Fernandes.A organização social dos Tupinanbás., SP, Hucitec, 1989, p.137/138 [19]idem, ibid. p.138 [20]idem, ibid. p.136 [21]jeu de mots emprunté au titre de la revue Questions Féministes, n03, mars 1978, Paris,Ed. Tierce. |