Théories féministes  et lesbianisme: où en sont les enjeux identitaires?   

Qu’est-ce qu’une lesbienne ? Et qu’est-ce que le féminisme ? Sur quel sol poussent les définitions courantes, quels sont les jeux de miroir qui composent les notions de féminisme et  de lesbianisme, de femme et de lesbienne ?  Le féminisme contemporain éclôt au milieu du XXè siècle en Occident  comme un courant puissant qui rassemble les analyses et les mouvements sociaux autour de la dénonciation de l’oppression du patriarcat, point stratégique commun à toutes les femmes pour briser un cadre séculaire d’exploitation.

Mais ce féminisme unitaire, universaliste cède, peu à peu, la place aux “ féminismes ” qui tentent de répondre aux spécificités  et aux  variables  composant l’expérience des femmes dans le social. Cette nouvelle pluralité a stimulé le raffinement des analyses théoriques qui déconstruisent les moules univoques, dont, entre autres,  la cohérence  de l’identité marquée par l’homologie entre le sexe biologique et le genre social.

à l’instar Des féminismes on voit se développer LES théories féministes dont les heurts et  les contradictions ne sont que la démonstration de leur dynamisme; un travail de méta-critique s’interroge sur  les catégories d’analyse utilisées dans les discours féministes et dévoile les fondements d’une réflexion fortement infléchie  par le binarisme de la représentation qui appréhende le monde. Les multiples dimensions de la constitution du sujet et du social  y sont évoquées : le langage, l’inconscient, le genre, le processus de subjetivation, les systèmes symboliques, les constellations de sens, la mémoire interdiscursive, la production de l’imaginaire. Pour pousser l’analyse jusqu’à ce point, les théories féministes se sont penchées sur leurs conditions d’insertion  dans le discours social, sur le cadre de pensée et des représentations sociales qui limitent la portée de leur regard.

 Cette démarche s’enchaîne sur une des propositions les plus fécondes de Foucault ( Foucault,1971:53) le renversement des évidences, à la recherche de la volonté de vérité qui les soutiennent, des réseaux de pouvoir établis dans l’ordre du vrai.

L’approfondissement du débat conduit ainsi au refus des  moules  identitaires univoques qui définissent les limites des genres : au-delà du genre et de la différence sexuelle, le sexe et la sexualité sont déplacés de leur confortable situation d’évidences “naturelles ”.

La  remise en question du sexe biologique et des pratiques sexuelles pourrait être un terrain commun au féminisme et au lesbianisme dans la mesure où la cartographie identitaire ne récupère que des traces sur le sable mouvant d’une identité  disséminée, multiple et nomade.

Comment  en arrive-t-on à ces réflexions ?

                  Si l’on tourne le regard aujourd’hui  vers  les chemins pluriels  du féminisme on  y décèle des moments de croisement, d’opposition ou d’imbrication avec le lesbianisme. Classées en tant que radicales, séparatistes, refusant les hommes en même temps que la domination masculine, les lesbiennes ont toujours fait peur aux féministes, peur éveillée par les images  forgées  dans le creuset des énoncés du sens commun, dont la  répétition était à elle seule le  garant de la réalité : hommasses, viragos, laiderons, mal aimées. Rebut de la nature, méprisées ou détestées par les hommes, même Simone de Beauvoir voyait les lesbiennes comme des êtres inachevés ou   inaccomplis. Comment pouvait-on  en tant que féministe s’en approcher ou œuvrer ensemble sans en être en quelque sorte contaminée ?

                  L’histoire du mouvement des femmes montre cependant, la présence constante des lesbiennes dans les pratiques politiques de revendication tout autant que leur participation aux réflexions théoriques .

                 On a même vu apparaître la “ lesbienne politique ” (Ti Grace Atkinson, 1975 : 155) dont les penchants sexuels n’allaient pas vers d’autres femmes, mais qui s’engageait dans une lutte sans merci et sans complicité.  Pour le lesbianisme partisan donc, la sexualité était placée au centre de la résistance et les lesbiennes étaient avant tout, des femmes. Mais, chemin faisant,  on est passé de l’identification de la femme-objet-appropriation aux stratégies de l’affirmation de la différence et de l’égalitarisme dont l’enjeu était, d’un côté la création d’une “culture féminine ” et de l’autre la fin de la hiérarchie sociale fondée sur le sexe.

                 La notion de “genre ” apparaît également pour démasquer la construction sociale des rôles féminin / masculin et enrichit ainsi la production académique dans tous les domaines des sciences sociales et humaines; la théorie et la pratique se  retrouveront au point d’orgue puisque la catégorie  “ genre ”  sous-tendra les pratiques politiques du mouvements des femmes. Mais on peut y  déceler  une sorte  de domestication épistémologique dans la mesure où  le “genre ” opère “dans la maison du maître ”  comme le souligne de Lauretis, . ( de Lauretis, 1987 :2)

                 La catégorie  “genre ” détruit ainsi un premier étage de la construction sociale du féminin/ masculin, c’est-à-dire qu’elle défait une partie de la notion d’essence, du fondement intrinsèque qui était censé composer la représentation des femmes et des hommes et leur assignaient des rôles selon leur “nature ”. Mais son aspect relationnel d’une part, élide le programme hiérarchique et asymétrique de la construction des genres ; de l’autre, il opère dans le cadre institué des représentations binaires de la société et de ce fait, il naturalise ce qui est également une construction sociale. Sa portée subversive est donc limitée. Le danger de troubler l’ordre du discours et surtout  l’ordre des représentations sociales est circonscrit par la division polarisée de la société  qui n’est pas remise en question. Voilà une évidence qui demeure sans la moindre égratignure. 

                 Toutefois, les problèmes de définition et d’identité recoupent la trajectoire et l’utilisation de la catégorie “genre ” : qu’est-ce que la Femme ? Qu’est-ce que le féminin ? Comment penser la diversité de l’expérience vécue des femmes dans des contextes culturels/spatio-temporels différents? Comment penser la résistance des stratégies développées contre l’oppression dans toutes ses formes lorsqu’on considère la construction sociale homogène des rôles sexués ? Comment envisager la différence entre les femmes ? Les questions qui apparaissent dans les textes théoriques actuels  se réfèrent donc à la critique de la catégorie “genre ” et à son dépassement ; dans ce sens, les lesbiennes, les noires américaines, les femmes originaires des pays jadis colonisés dénoncent une nouvelle représentation hégémonique  sous l’image  de la femme blanche, nantie, hétérosexuelle, et ainsi ouvrent-elles  le chemin au multiple.

                 La critique théorique féministe décortique  ainsi ses propres catégories d’analyse, tels que le genre et la différence sexuelle, ce qui lui permet d’enchaîner sur la déconstruction des  fondements épistémologiques, des présupposés qui façonnent  les instruments, les formes, les images et représentations dont disposent les féminismes pour l’analyse du social.

                 L’eccentric subject, proposé par Teresa de Lauretis (de Lauretis, 1990, 116) serait le nouveau sujet du féminisme, celui qui analyse sa détermination historique et sociale, la spécificité de sa deixis discursive -son lieu de parole - pour déboucher sur la critique de sa propre pensée Les discours féministes amorcent donc un mouvement continu et volontaire de  dé-logement , de des-identification qui  tient compte de leur cadre épistémologique et de leur insertion sociale pour mieux les dépasser.  L’eccentric subject crée, en quelque sorte, le sol sur lequel il se déploie.

Ainsi, les théories féministes  se démarquent-elles dans la pensée contemporaine non seulement par l’attention qu’elles  accordent à leurs conditions d’extériorité mais aussi à leurs contradictions internes dans un continuum de critique/ autocritique.

                 Le “post modernisme ” qui dénonce  les vérités essentielles, les discours du “ naturel ”,  l’existence d’un sujet stable et cohérent comme étant des artifices du pouvoir, se retrouve dans la démarche féministe qui refuse l’idée d’une “ vérité du sexe ” exprimée par une pratique sexuelle directement attachée a l’évidence du sexe biologique. Lorsque la critique féministe interroge le régime de vérité qui a construit sa signification dans la dualité  nature/culture  elle contribue  à faire parler  les voix  étouffées  par les silences imposés sur la superficie  du discours social

De ce fait, l’identité n’apparaît pas ainsi comme une donnée, mais plutôt comme un processus qui construit une forme et fait sens à l’intérieur d’un régime de vérité singulier : dans la vision du multiple les places assignées aux centre/ périphérie ou  hégémonie/ marginalité en sont bouleversées. 

                 Pour certaines analyses féministes l’utilisation de la catégorie “genre ” ne fait qu’affirmer et perpétuer la réalité qu’elles critiquent puisque tout se passe dans le cadre binaire de pensée ; le dévoilement de la construction sociale des relations asymétriques qu’elle rend possible, travaille ainsi au renforcement de la structure polarisée de la société. Si d’un côté l’oppression de genre est démasquée  en tant que construction sociale,  elle n’en demeure pas moins sujette au  partage  manichéiste  du social et de ses représentations : sexe/genre, femme/homme, bien/mal, nature/culture, vérité/mensonge et ainsi de suite. Où est donc placé le multiple? Comment dans ce schéma analyser les innombrables combinaisons de sexe et genre que nous offre actuellement l’ethnologie? ( Strathern, 1998)

                 Les visions homogènes de la réalité sociale ne font qu’obscurcir le pluriel  des pratiques sexuelles qui grondent dans le souffle du contre-imaginaire social,  au sein des représentations  marginales qui n’attendent que les conditions de possibilités symboliques pour se faire une place.. Tel est le cas de la naturalisation du  binaire hétérosexuel, l’érotisation obligée du  sexe biologique  genré. Mais. même en cette fin de millénaire, la remise en question de l’hétérosexualité fait problème : face à la dissemblance physique des caractères sexuels entre femelle et mâle et à la force des représentations sociales de la correspondance exacte genre/sexe, la multiplicité du désir est obscurcie et surtout domestiquée.

                 Mais pourquoi les groupes humains seraient-ils répartis selon un point d’orgue génital? Ou plutôt, pourquoi l’exercice d’une certaine sexualité définirait-il l’identité, l’être de l’individu ?

  Serait-ce  la nature du biologique qui en décide ainsi ou le système de pensée qui imposerait ses représentations du monde comme étant sa réalité?  Ne serait-ce pas  le régime de vérité et la volonté de pouvoir qui érigeraient des valeurs en évidences, comme le souligne Foucault ? ( Foucault, 1988 :13) Ne serait-ce pas l’imbrication de la mise en discours du monde et des pratiques sociales  soutenues par une mémoire discursive /imagée/ représentée socialement qui définirait les axes autour desquels se tissent les relations sociales et les distributions de pouvoirs?

                 L’emphase donnée à l’aspect anatomique fixant les  genres fait l’économie des valeurs qui composent  “ l’évidence ” de la norme hétérosexuelle : la  reproduction est un des éléments organisateurs des genres et détermine l’importance donné au  sexe biologique. Cette construction fait de la pratique sexuelle - l’hétérosexualité -  la clef de voûte du pouvoir disciplinaire et de l’institution hierarchisée du gender/sex system  dans l’ordre du discours normatif. Il y a ainsi amalgame du sexe biologique, du rôle social et de la sexualité potentielle, cet amalgame devenant norme dans le cadre  de la “reproduction ”.

                 Comment briser le poids de la norme et de l’évidence? Interroger les lacunes du discours peut créer des espaces pour la démultiplication des représentations sociales ainsi qu’imaginer une contre-légitimité, un pouvoir fondé sur une légitimité autre que celle dont se réclame la domination . ( Baczko 1984 : 33)

                 L’utilisation de la catégorie “genre ” et la naturalisation de l’hétérosexualité délimitent la légitimité de leurs espaces discursifs; tout ce qui dépasse ces marges est “ déviant ” et présenté en tant que tel. De cette zone d’ombre jaillirait ce que j’appellerais “ des pratiques “ pathogenres ”, celles qui reçoivent le stigmate de maladie, de la honte, de l’inversion de l’ordre “ naturel ” du monde. Si d’un côté, une certaine critique féministe dévoile le genre comme élément décisif dans le partage du pouvoir  social selon l’exigence de l’auto- identification, de l’auto-dénomination,  de l’auto- représentation, de l’autre, elle repose et ancre l’analyse  sur les mêmes bases de représentation du monde.

                 Ainsi, la critique du genre qui se limite à la construction sociale des rôles ne questionne-t-elle pas ses propres fondements : la construction sexuée des corps , la contrainte hétérosexuelle et la cohérence du genre.

                 La question qui s’impose est : dans quelles matrices d’intelligibilité, dans quels réseaux symboliques et dans quelle logique de  pouvoir s’insère l’imposition du binaire/ hétérosexuel ? Si le symbolique fait sens, les institutions sociales d’inculcation - l’école, la religion, la science, entre autres  - ne font qu’approfondir un sens dans le réservoir inépuisable de la réalité. Dans cette optique, l’identification parfaite du sexe au genre n’est qu’une valeur qui érige l’hétérosexualité en  norme et discipline comme l’ axe de l’exercice du pouvoir. À ce propos, Foucault se pose la question : “ […] est-ce que le sexe, qui paraît être une instance dotée de lois, coercitions, à partir desquelles se définissent le sexe masculin et le sexe féminin ne serait-il pas, au contraire, produit par le dispositif de la sexualité ? ” (Foucault, 1988 :259)

                Dans le creuset de l’imaginaire hégémonique, le lesbianisme apparaît alors comme une déviance. Mais le fait même de sa possibilité et de son existence ouvre des brèches dans le bloc monolithique de l’hétérosexualité, défendu farouchement par femmes et hommes genrées (és) puisqu’il assure leur place dans le partage du monde. Dans l’ordre du discours, être  “femme ” avec toute l’asymétrie  qu’implique  cette dénomination, ou  “femme noire ”,  “femme latine ” ou  “femme immigrante ” est considéré encore mieux que d’être lesbienne.

                 Si la catégorie “femme ” peut admettre la diversité  c’est dans le domaine de la  pratique sexuelle que se trouve le trait d’union : l’hétérosexualité. Car là encore on est dans le vrai, puisque être  lesbienne dé-nature le genre, censé lui-même en tant que catégorie  dé-naturer la nature. Pour Butler, la construction du genre est performative et cela suggère le manque d’un statut ontologique, c’est-à-dire, que ce sont les actes, les gestes et le désir dirigés qui définissent l’illusion d’une essence intérieure.  Selon l’auteure, l’identité genrée s’est  constituée de manière tenace au cours des  temps par une répétition stylistique des actes, des gestes et des mouvements qui produisent l’effet  et l’illusion du genre. ( Butler,1990:141) Il y a là un mécanisme de fétichisation d’une certaine relation et son dévoilement permet de replacer cette construction dans le registre du symbolique, des valeurs, des constellations de sens qui déterminent le partage du monde en deux.

                 Le lesbianisme n’est donc, dans cette perspective, ni déviance ni marginalité, c’est un lieu  de signification  et son identité parodique - butch, dyke - fait éclater  la construction sociale du  sex/gender system,  ce que Butler appelle “la fiction régulatrice de la cohérence hétérosexuelle ”. (Butler,1990:136) Dans un projet  critique du renversement des évidences, la question qui s’impose est :  la notion de sexe biologique n’est- elle pas non plus un construit social ?

                 Si la construction du genre social  et du biologique humain repose sur un système symbolique ou de significations qui corrèle le sexe  au genre, selon des valeurs sociales variables et dynamiques, la notion d’hétérosexisme  est un outil d’analyse qui vient briser ce cadre circulaire de la reproduction des rôles au sein de la critique destinée à les transformer. ( de Lauretis, 1987: 5)

                 Nicole-Claude Mathieu  estime qu’ entre le sexe et le genre s’est établie une correspondance socio-logique et politique qui devient évidente, naturelle et inquestionable. ) Cela signifie que c’est la construction de la personne genrée  qui permet sa classification en tant que personne sexuée; le sexe biologique est ainsi érigé en axe de définition de l’être humain . C’est ainsi que se définissent les identités fixés par le sexe biologique et par la pratique sexuelle qui en découle, suivant les normes établies socialement. Lors de son analyse de la construction des corps sexués, Butler insiste sur la naturalisation du désir hétérosexuel dont l’identification à l’essence du sujet genré est “ […] un effet discursif sur la superficie des corps, une illusion d’un genre organisé de l’intérieur, une illusion discursive qui règle la sexualité dans le moule de l’hétérosexualité reproductive ”. ( Butler,1990:136) C’est ainsi que le genre construit le sexe biologique : non pas dans sa matérialité, mais dans son appréhension  médiatisée par les réseaux de sens, par des représentations sociales qui le définissent en tant que différence incontournable.

                 La critique de l’hétérosexualité  n’est pas largement acceptée dans les études féministes et la catégorie genre exprime, au-delà de la construction culturelle des rôles sociaux, une hétéronormativité intrinsèque à sa formulation.

                 Mais comme le souligne Butler, “[…] lorsque la construction sociale du genre est théorisée indépendamment du sexe, le genre lui-même devient un artifice flottant […] ” (Butler, 1990:6) Ainsi, un corps  de femme ou d’homme peuvent indifféremment signifier le masculin ou le féminin.

                 Dans cette optique, le genre produit le sexe érotisant des relations sociales polarisées, introduisant dans la signification du rôle social, la pratique d’une sexualité “naturelle ” dont le désir est assujetti aux représentations sociales de l’amour, de la maternité, du mariage. La monogamie, la durabilité de l’amour, les tranches d’âge appropriées, les paradigmes qui font l’acceptabilité physique sont des représentations sociales instituées en  lois implicites qui façonnent les corps selon les moules femmes/ hommes et cela d’une façon asymétrique, selon deux poids / deux mesures.

                 Butler indique que “[…] le genre n’est pas à la culture ce que le sexe est à  la nature ; le genre est  la signification culturelle/ discursive par laquelle la ‘nature sexuée’ ou le ‘sexe naturel’ est produit et conçu comme un élément pré-discursif, une surface politique neutre, sur laquelle la culture peut travailler. ” (Butler,1990:7)

                 Cependant les représentations de genre sont constitutives de l’univers discursif des théories féministes et  demeureraient cachées si ce n’était l’effort méthodologique de déconstruction  exigé par la perspective de l’ eccentric subjet.

                 Cela explique peut-être en partie l’éviction de la sexualité dans les études de genre car la représentation sociale, mode d’appréhension du monde, mode de signification dans le monde, (Jodelet, 1989 ) devient également auto-représentation. Cette absence fait que, dans l’actualité, la sexualité soit revendiquée en tant qu’objet spécifique des Études Lesbiennes et Gay. (Weed and Schor  1997) 

                 Le désir hétérosexuel reprend alors sa place parmi  les pratiques sexuelles qui composent un social plurivoque lorsqu’il est démasqué en tant que norme culturelle et  l’image du “vrai sexe ” en est bouleversée Si la norme ne tranche plus entre la “ bonne ” et la “ mauvaise ” sexualité, celle-ci peut finalement se retrouver dans la sphère de la vie privée de chacune.

Si la question est de dévoiler le processus de construction du sens attaché au sexe biologique et de savoir comment sa signification s’installe dans les réseaux de savoir et  de pouvoir qui tissent la trame du social, l’historicité de l’oppression des femmes révèle  que la contrainte à l’hétérosexualité a été et est encore un des axes majeurs de leur assujettissement volontaire - ou pas -  dans le monde dominé par le masculin.

                 La notion d’hétérogenre (Ingraham, 1996 : 169) a été proposée comme catégorie d’analyse afin de mettre en lumière l’hétérosexualité implicite dans le “genre ” et expliciter l’hétérosexisme (de Lauretis, 1987 : 6) existant dans les discours féministes émis dans le cadre d’un imaginaire hégémonique (Baczko, 1984 ; Castoriadis, 1982) et plongés dans les représentations  binaires et hétérosexuelles qu’ils  sont censés défaire.

                 La dénomination “  hétérogenre ” illumine le “naturel ”, souligne “l’essence ” qui revient en sourdine dans les analyses  utilisant la catégorie“genre ” afin de démontrer l’emprise du social sur la formulation du féminin et du masculin.

                 Comment nier l’assujettissement lorsque même dans les pratiques dites “déviantes ” on voit s’installer “les couples ” et leur partage binaire des rôles, tels butch / femme, la recherche d’une “famille ” avec des enfants, l’insertion dans les cadres juridiques pour les homosexuelles? ? Comme le souligne Butler, les parodies de genre ne sont pas toujours subversives et, si d’un côté elles démontrent la non-correspondance entre sexe / genre, de l’autre elles assument parfois les rôles culturels de genre.

                 Le “naturel ” du sexe biologique et l’hétérosexualité qui en découle est invoqué de nos jours de la même manière que la “nature ” de la femme était l’argument principal de sa mise à l’écart et de sa dépréciation dans la sphère publique. C’est ainsi que Wittig affirmait déjà en 1980 que “[…] ce que nous prenons pour la cause, n’est en fait que la  marque que l’oppresseur impose sur les opprimés[…] ”) (Wittig, mai 1980 : 77)

                 Lors de la  mise en lumière de l’hétérosexisme, la même logique  fait apparaître  la norme institutionnelle du coït régulier - par la contrainte au mariage  ou par l’auto-persuasion - comme moyen  de création et d’appropriation  du groupe “femmes ” . Adrienne Rich  proposait dans les années 80 l’analyse de l’hétérosexualité en tant qu’institution, comme un système complexe d’impositions, de lois, de contrôle, qu’il soit politique, religieux  ou juridique. Les corps des femmes sont ainsi délimités dans les pratiques sexuelles et dans le désir  à travers les rites d’initiation, les tabous et les interdits qui frappent leur mobilité, leurs penchants, l’érotisation de leurs gestes hors de la sphère du masculin. ( Rich,1981 :20/21)

                 Mais comme le souligne l’auteure toutes ces formes “ […] contribuent au réseau de contraintes aboutissant à la conviction chez les femmes que le mariage et l’orientation sexuelle vers les hommes sont des composantes inévitables de leur existence. ”  (Rich,1981 :32) Pour cette auteure, un “ continuum lesbien ” serait  la face cachée des réseaux qui lient les femmes entre elles leur vie durant,  mais qui disparaissent sous le poids des représentations de rivalité et surtout à cause de leur cloisonnement domestique. . La solidarité et l’érotisme entre les femmes en régime de polygamie ne sont même pas soulevés, obscurcis  qu’ils sont par l’attention portée à l’image du mâle et à sa domination .

                 Les traces de l’existence des lesbiennes, de communautés lesbiennes, des Amazones sont effacées de l’histoire, renvoyées au mythe, au domaine des impossibilités. Wittig affirme que “cette tendance  à l’universalité a pour conséquence que la pensée straight ne peut pas concevoir une culture, une société où l’hétérosexualité n’ordonnerait pas non seulement toutes les relations humaines mais sa production de concepts en même temps que tous les processus qui échappent à la conscience. ” (Wittig, février 1980 : 49-50)

                 En effet, des femmes qui se passent des hommes dans leur vie quotidienne, dans leur vie amoureuse et érotique, représentent un trouble majeur dans l’ordre du masculin puisqu’elles déjouent  la pratique de l’hétérosexualité obligatoire. 

                 Ici nous revenons au début de nos réflexions : qu’est-ce qu’une lesbienne ? Quel genre de pratique sous-tend cette dénomination ? Peut-on assigner un locus  d’identité  à une utilisation particulière de son corps, ce corps même qui est délimité, signifié par les représentations qui le construisent ? Haraway abonde en ce sens dans la mesure où elle voit que […] les corps en tant qu’objets de connaissance sont des nœuds génératifs matériels et sémiotiques. […] Les objets n’existent pas avant d’être créés, ce sont des projets de frontière. Ce qu’ils contiennent de façon provisoire continue d’être génératif, producteur de significations et de corps. ”( Haraway ; 1991 :343)

                 En effet, une pratique sexuelle ne peut  être considérée comme le fondement d’une identité, surtout dans le cadre de pensée actuel qui voit dans l’identité un processus en construction.

                 Qu’est-ce que le désir lesbien puisque son objet, les femmes, est aussi un complexe réseau de références ? Si l’on poursuit le renversement des évidences comment le “lesbianisme ” pourrait-il  rendre homogène l’éventail d’expériences érotiques qui peuvent traverser les corps sexués ? Comment classer le désir entre une femme “ dyke ” et un homme “ gay ” ? Est-ce le corps qui définirait cette relation en tant qu’hétérosexuelle, même si les rôles  sont renversés? Quelle place donne-t-on au désir  traversant ces corps qui refusent les représentations femelle/ mâle ?

                 La pratique sexuelle, la sexualité est ici évidemment dissociée de l’apparence, de la persona genrée. Le fondement artificiel et rituel de l’hétérosexualité y est explicité ; dans cette perspective,  Haraway souligne que  les corps sont des contenants provisoires des processus continus de génération de sens :  “ on ne naît pas organisme ” souligne-t-elle. ( Haraway ; 1881:357) Quelle est la spécificité du désir lesbien si l’on pense à la pan-érotisation du corps, comme  moyen de déjouer l’enfermement d’une sexualité axée sur les  appareils génitaux ? Il n’y a pas un modèle de “vrai ” lesbianisme, mais il y certainement  des corps construits selon des modèles, ,  des corps qui sont définis par les significations qu’on leur donne : sous cet angle, la simple inversion de l’ordre ne fait qu’accentuer celui-ci à la perception immédiate. L’aspect subversif de la parodie, de la performance n’est appréhendé  qu’après une théorisation très pointue, un effet à retardement.

                 Sous la dénomination “lesbianisme ” se bousculent des références multiples liées aux représentations sociales des femmes : douceur, sensibilité, émotion partagée, sexualité amoindrie ou alors une relation butch/ femme parodiant les rôles masculins/féminins, traversée de violence, basée sur des hiérarchies.

                 Le vocabulaire et les pratiques d’attachement reproduisent également les normes hétérosexuelles : couple, famille, belle-famille, mariage, fidélité, jalousie, trahison. Cependant, dans quelle mesure, la sexualité est le vrai lien entre ces femmes, et quelle est la mesure du désir sexuel qui les unit au sein de la cohérence du mot qui est censé les désigner ?

                 Est lesbienne celle qui  aime, couche, se sent attirée, vit avec une femme ? Toutes ces options peuvent-elles ou l’une d’entre elles peut-elle définir une lesbienne ? Faut-il en avoir le goût exclusif ? Faut-il avoir du sexe génital pour en être une ? Ces simples questions déjouent l’évidence de la catégorie et  fait éclater les limites des définitions trop vite dessinées.

                 La sexualité fait partie constitutive de la  représentation de La Femme : que ce soit pour l’en priver par la contrainte ou  la violence sociale, ou bien l’y forcer dans la prostitution, le mariage inéluctable ou  l’hétérosexualité obligatoire.

                 Les  lesbiennes  sont plongées dans cet imaginaire qui les constitue  autour de la signification “femme ”  : mais quelle part peut avoir la pratique sexuelle génitale pour elles ? Dans quelle mesure leur désir se classe dans les représentations du sexe, dans un discours de sexualité qui est loin d’accompagner leurs mœurs ?

                 Toutefois, au niveau du langage la sexualité est censée les dénommer puisque dans le “dispositif de la sexualité ”  le vrai se trouve dans le sexe. Cependant ce mot peut-il désigner  un sol stable, un signifiant univoque ?

                 Butler (Butler,1990 :25) souligne qu’il n’y a pas de genre au-delà de l’expression de genre ; pourrait-on dire qu’il n’y a pas de lesbianisme en-dehors de son expression sexuelle, au gré des pratiques éclatées et disséminées que constituent la sexualité entre femmes ?

                 Quelles sont-elles finalement, ces matrices d’intelligibilité  qui peuvent donner une cohérence  au lesbianisme dont les pratiques sont elles-mêmes éclatées ? Quelles sont les auto-représentations des lesbiennes, dans quel imaginaire symbolique, (Dubois, 1985 : 18) dans quel réseau d’images signifiantes se placent-elles  ?

                 Dans les années 80 Wittig définit la lesbienne en dehors des relations de genre : “ Les lesbiennes ne sont pas des femmes ” (Wittig, février 1980 : 53) Cette affirmation a fait couler beaucoup d’encre : de prime abord elle présente une séduisante position  hors  du binaire du genre, position de résistance et de refus d’un cadre de domination inéluctable. Si ici la lesbienne apparaît dotée d’une sorte de cohérence abstraite que lui octroie une nature presque à part, paradoxalement elle s’appuie sur  une pratique  dont la signification est éminemment sociale.

                 De Lauretis,  ( de Lauretis, 1990 :127) pour sa part, considère indispensable pour la théorie critique féministe que soit prise une position  outrepassant totalement ou en partie le cadre de l’hétérosexualité et du genre binaire puisque les constellations de sens et de représentations dans lesquelles s’insère le discours féministe sont encore épelées au masculin.

                 Dans l’exposé de Wittig le lesbianisme serait un point épistémologique et matériel de résistance  au binaire et à ses effets de pouvoir ; mais la sexualité, censée définir le mot et la pratique qu’il désigne y est absente. Est-il possible de mettre le lesbianisme dans une position eccentric  par rapport à la sexualité afin de délimiter d’autres contours pour les corps sexués ?

En quoi l’appellation “lesbienne ” est-elle pertinente ? Et qui dit lesbienne veut dire féministe ? Rien de moins sûr.

                 Butler considère qu’être lesbienne devrait  devenir un  “ […] phénomène  culturel multiple, un genre sans aucune essence univoque. ” (Butler, 1987 : 148/49) Ainsi, j’argumente que le lesbianisme ne peut constituer une identité puisque cette dénomination ne représente  qu’un amas de questions, un ensemble de pratiques diluées dans le déracinement des  catégories  “femme ” et “genre ”.

                 Revendiquer une identité  lesbienne ferait donc partie d’un contre-imaginaire  domestiqué et y voir une  cohérence identitaire serait aussi illusoire que la cohérence du genre.

                  Dépasser un cadre de pensée n’est possible que dans le dévoilement des structures qui ordonnent la réflexion elle-même ; l’assujettissement  aux représentations sociales qui constituent les conditions de possibilité d’appréhension est inéluctable, mais non incontournable, comme le démontre la critique de la “ nature ” et/ou de la catégorie “ genre ”, à partir des différentes positions de sujet. Ainsi, le lieu de parole social de la lesbienne ne définirait pas une identité mais il démarquerait  un espace critique hors de l’imaginaire hégémonique de l’hétérosexualité.

                 Débusquer les recoins d’évidence dans la circulation de “ vérités ” est finalement une tâche à multiples sillons. L’existence du pluriel dans l’espace du désir et de la sexualité élargit le territoire discursif qui peut être occupé par le contre-imaginaire et son déploiement en images, en textes et en questions.

                 Plusieurs problèmes ont été posés ici en ce qui concerne le  lesbianisme : identification,  noyau de cohérence, image de soi, insertion dans le monde. Ce sont en fait les mêmes  questions qui traversent le féminisme lorsqu’il s’interroge sur le sujet et l’objet de sa démarche théorique et  politique. Et nous retournons au début de notre réflexion : en effet, qu’est-ce qu’une femme, qu’est-ce qu’une lesbienne ?

                 Le besoin de définir fait partie également d’un système de pensée “ phallogocentrique ”, fonctionnaliste : à chaque chose sa place, à chaque place son rôle dans l’ordre du vrai,  dans l’univocité des sens, dans l’ordre du Père. Définir une identité n’en revient qu’à créer son propre champ d’exclusion : la “ vraie lesbienne ”, la “ vraie femme ”.De quel droit une image devient plus vraie que d’autres ? et de quelles représentations s’agit-il ?

                  Si l’on prend le symbolique comme  vecteur il devient clair que le partage du pouvoir est une affaire d’affirmation, de légitimation, d’autorité, d’exclusion, de réactualisation de luttes autour des symboles, autour des significations qui instaurent et soutiennent la pratique sociale, tel le binaire du genre. De là l’importance de l’espace symbolique étroitement mêlé au matériel.

                 Aujourd’hui les questions identitaires  sont devenues l’enjeu théorique majeur et le travail de Rosi Braidotti en est un exemple : elle soutient que la subjectivité des real women, construite socialement et symboliquement est une multiplicité en soi : divisée, fracturée, elle est constituée par l’imbrication de plusieurs niveaux d’expérience.(Braidrotti, 1997 :44) Pas de définition figée donc pour les femmes, mais un champ de structuration autour du corps, de l’inconscient et de l’expérience sociale. Pour Braidotti la subjectivité des femmes et leur identité se trouvent au creux d’une position symbolique qui ne les fige pas mais leur reconnaît la diversité des expériences. Elle travaille le concept “[…] d’identité nomade, […] qui a un sens aigu du territoire mais sur lequel  la possessivité n’existe pas […] qui n’est pas fluide sans bornes, mais très attentive à la non-fixité des limites. C’est l’intense désir de transgresser, de dépasser ” (Braidotti,1994 :35/36)

                 Dans la fluidité d’un désir mobile, d’une identité toujours en construction, la sexualité  occupe un espace d’ombres chinoises: l’angle de la lumière et le mouvement en changent les contours et le profil. Le lesbianisme et le féminisme  se chevauchent car il n’y a plus de représentation de lesbienne là où n’existent plus celles de la femme : il n’y a pas de désir univoque là où l’identité s’estompe.

                 Un nouveau sujet du désir n’est autre que le contre-imaginaire qui déploie ses ailes : comment changer la réalité sans un nouveau réseau symbolique qui trace à son tour de nouvelles images du corps ? De  quelle droit la sexualité et l’hétérosexualité définissent-elles le sujet du désir ? De quel droit une norme ou une valeur expliquent-elles l’être, le sujet du désir ? Et de quelle volonté de savoir/pouvoir  le désir devient-il le point nodal du discours ? Comment détruire le labyrinthe qui nous fait tourner en rond ?

                 Féminisme et lesbianisme s’imbriquent ou s’éloignent au long de leur démarche discursive et/ou politique et  se retrouvent aujourd’hui sur des horizons  nouveaux, d’entente ou de désaccord, peu importe. Poser des questions qui poussent la pensée dans ses derniers retranchements est une démarche qui ébranle le socle au plus profond, celui des évidences, des représentations . Constater la pluralité conduit à des stratégies diversifiées et  les contradictions théoriques qui peuplent la pensée se voulant féministe ou lesbienne ne sont que leur plus grande richesse .

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