L'imaginaire de la découverte du Brésil

Por mares nunca dantes navegados

Passaram ainda além da Taprobana

Em perigos e guerras esforçados

Mais do que prometia a força humana

E entre gente remota edificaram

novo Reino, que tanto sublimaram.

               Canto Primeiro, Os Lusíadas

                  Camões

 

21 Avril 1500.Des signes avant- coureurs indiquent la  proximité des terres, après une longue traversée de l'océan.

22 Avril 1500.

Une esquadrille portugaise touche des terres nouvelles, officiellement inconnues des européens, au Sud des îles découvertes par Colomb. Le Brésil apparaît ainsi dans le scénario mondial  construit par la  vision européenne, d'abord appelé Terra de Vera Cruz, ensuite Terra de Santa Cruz. . L'histoire retient le nom de l'amiral  Pedro Alvares Cabral  , qui, le 26 du même mois, fixe une croix sur le sol, avec les armes du roi du Portugal et prend possession de ces terres en son nom .

Les Portugais courent les mers depuis la fin du XIVesiècle et établissent, petit à petit, des chartes maritimes - portulanos- destinées aux seuls navigateurs portugais, dont la possession assurait la clef des mers et des océans  vers l'Orient, terre de rêves  et d'utopies. Au gré des courants, cependant, sur le chemin des Indes, les terres du futur Brésil se laissent apercevoir - découverte occasionnelle ou voulue, cette question  est dérisoire.

Qu'est-ce qui fait donc, courir ces hommes?

En effet, imbriqués aux conditions économiques et mercantiles, il existe tout un univers de représentations mentales qui recouvrent le chemin des Portugais, lorsqu'ils appareillent leurs vaisseaux et prennent la mer.

Dans la perspective de ce travail, ces représentations constituent un imaginaire qui est partie composante du social, associé à la matérialité de la perception immédiate. Ainsi étant, l'imaginaire crée du réel vécu et puise en même temps sur le social la matière première de l'imagerie collective. Entre l'imaginaire et le matériel il existerait, donc, une circularité d'actions, sans qu'on puisse établir une dominance ou une échelle hiérarchique. En effet, l'imaginaire, en tant que créateur de réalité ,[1] s'imbrique , se confond avec les conditions  matérielles, dans une impulsion mythique/ mystique qui entraîne l'homme avide de rêves, vêtu de peurs fondamentales, maître , cependant, de ses voiles et de son désir de connaître, re- connaître les chemins d 'un monde et s'en emparer.

Hanté par l'oppression de la peste et de la faim, l'homme du XVIè  siècle se creuse des sillons sur une mer grouillante de mystères et de dangers, chemins qui mènent à nulle part, mais aussi à un monde meilleur.Des coques de noix sur un océan inconnu: serait-ce du courage ou de la folie, "stultifera navis"  [2]  habitée par les "déraisonnés" de la mer? serait-ce, à l'egard des  nefs des fous, qui selon Foucault, "ont hanté l'imagination de la toute première  Renaissance [...] des navires de pèlerinage,des navires hautement symboliques d'insensés en quête de leur raison" ?

L' "au-delà" signifie l'espace onirique, la réalisation de l'impossible, la matérialisation du rêve mythique d'abondance, richesse et liberté, la découverte du Pays de Cocagne, carrefour des images médiévales du bonheur ; les voyages maritimes se font au rythme des vents et des tempêtes, dans la peur et l'agonie, mais aussi dans l'espoir de retrouvailles avec un autre soi- même, réinventé dans un nouveau paradis.L' historiographie s'appuie sur la puissance du   renouveau  de l'ímagerie religieuse qui commande l'effort/ effroi de traverser l'océan des ténèbres vers un Age d'Or renouvelé  ou un Paradis retrouvé[3] La recherche de l'or et des mines de métaux précieux, but avoué des Portugais ,de leur déploiement sur les mers connues et inconnues se croise , dans  l' imaginaire, avec la quête de l'or mythique, " l'impliquant mythologique" [4], l'axe dominant autour duquel s'agglutinent les forces sociales motrices. Le discours des navigateurs, où se mêlent  le désir de conquête, l'ambition, la foi chrétienne et le langage mythique montre toute une pratique politique traversée d'ambigüités, moulées par les coordonnées temps/ espace qui leur est spécifique. 

Certaines images  donc,accompagnent les aventuriers portugais sur leurs chemins de "découverte"et d'occupation des terres d'outre-mer:  le mirage de l'or qui coule à flots dans les fleuves, une ville à l' éclat doré, gardée par de farouches Amazones, des montagnes argentées, des lacs en or, accouplés au rêve  d'un lieu bienheureux et sans contraintes[5]. L'actualisation de ces mythes est ainsi dotée d'un force méconnue, où le sacré et le profane se bousculent et se rapprochent, en un élan capable d'exorciser la peur omniprésente au XVIè siècle:  la peur de l'inconnu, du démon, des monstres, du lointain, du nouveau, du différent.

Jean Delumeau esquisse un tableau de cette peur qui surplombe l'Occident et change constamment de visage[6]. Pour ce qui concerne le XVIè. siècle, il remarque deux visions eschatologiques qui pénètrent le monde occidental : l'une , basée sur la promesse de mille ans de bonheur, le règne des saints qui insuffle l'ardeur d'une recherche de l'Age d'Or ; l'autre, l'image terrifiante du Jugement Dernier, faisant état de la culpabilité et de la déchéance de l'Humanité. Ces visions débordent  l'imaginaire de l'époque, et dans le domaine de la peinture produisent , par exemple, les célèbres tableaux de Bosch:  Le Jugement Dernier et le Jardin des Délices[7] ; dans le domaine de la littérature le poème de Brant, La nef des fous[8] qui "embarque des fols sans carte ni bussole à la recherche des contrées bienheureuses de Cocagne."[9]

Foucault souligne que dans le paysage imaginaire de la Renaissance, "la mode est à la composition de ces Nefs dont  l'équipage [...] s'embarque pour un grand voyage symbolique qui leur apporte sinon la fortune, du moins la figure de leur destin ou de leur vérité."[10]               

Dans ce foisonnement d'images, la découverte de l'Amérique et de sa population , selon Delumeau  "fut interprétée par les religieux fraîchement débarqués au Nouveau Monde comme le signe, soit que le règne des saints était proche  [...]  soit que la fin des temps ne tarderait pas.[11] Ces visions sont présentes dans l'imaginaire des Portugais et ordonnent l'approche du Nouveau Monde dans une optique polarisée, où s'affrontent le bien et le mal dans l'ensemble de la perception des être et des choses, conception qui s'exprime dans les lettres et rapports des premiers arrivants et ensuite dans la littérature produite par les colonisateurs.[12]

La  quête de l'or mythique, cependant, comme de l'or philosophique de l'alchimie médiévale suppose des rites initiatiques ponctués de souffrances et de sacrifices inéluctables, sans lequels l'or restera caché. L'analogie y est évidente: l'aventurier du XVIÈ  qui s'embarque sur des frêles bateaux pour sillonner les océans inconnus, entame un voyage hautement initiatique, traverse l'eau purificatrice et affronte les épreuves ourdies par le démon et ses acolytes.Ainsi, dans cette perspective,  l'histoire de la découverte et de l'occupation du Brésil par les Portugais au XVIè siècle se déroula-t-elle en deux mouvements: la traversée de la mer , dangereuse et méconnue pour les premières expéditions et la pénétration du "sertão"( intérieur des terres) , rites de passage constamment renouvelés, dans la maladie, la faim, les douleurs et parfois la mort.

LA TRAVERSÉE INFERNALE ET LES   PREMIÈRES EXPÉDITIONS.         

Au moment de la "découverte"du Brésil, les Portugais étaient surtout intéressés par les Indes Orientales, car les contrées asiatiques regorgeaient de métaux précieux, d'épices, d'étoffes,de marchandises, enfin, hautement prisées par les Européens. Ainsi, pendant les 30 premières années du XVIÈ siècle des expéditions sillonnèrent les côtes du Brésil, établissant quelques forts - feitorias- en des lieux stratégiques , sans, cependant ébaucher des tentatives sérieuses d'occupation et d'un peuplement effectif des terres.En effet, l'interêt principal de ces expéditions était d'obtenir la seule richesse évidente à leurs yeux, le "pau-brasil" ( bois utilisé pour la production de teintures). L'exploration des côtes  et surtout leur défense contre les incursions espagnoles et françaises poussaient  le roi du Portugal à réaliser des investissements dans ces expéditions, car éventuellement des mines ou d'autres sources de richesse pouvaient être dénichées. Certaines de ces expéditions, donc, étaient financées par le roi, d'autres par des investisseurs privés ou parfois les deux parties joigneaient leurs intérêts dans un seul convoi ; en 1511 les côtes brésiliennes avaient été reconnues  et les expéditions devinrent fréquentes. Les  traversées de  l'océan se firent , ainsi,  fréquentes.Mais la mer est capricieuse, inconstante: tempêtes et acalmies s'alternent et transforment parfois ces petites nacelles perdues sur les flots en des mouroirs ravagés par le scorbut et des fièvres inconnues.

Claude d'Abeville nous décrit les trames sataniques lors de son voyage :

" Vencido na terra, incapaz de destruir nosso corajoso projeto, o Diabo Furibundo atira-se ao mar provocando tempestadas e borrascas tão cruéis e perigosas como de há muito não se viam...".[13] Mais les trames diaboliques ne s'arrêtent pas là: la pluie, maléfique, donne des pustules à qui la reçoit sur le dos; l'eau potable, réserve du bateau, devient putride, "[...] a ponto de nela se criarem vermes".[14]

Pero Lopes de Souza, dans son Journal de Bord de 1530, est inépuisable sur les histoires de tempêtes, vents contraires, voiles déchirées, ancres perdues, navires chavirés, biens et corps disparus.[15]Hans Staden,victime d'un naufrage , commente les relations entre la navigation et les forces spirituelles, autour de 1550:

"Quando sobreveiu certa vez um vento que, desdobrando-se em tempestade durante muitos dias soprou em contrário [...] Apareceram-nos então sobre o navio muitas luzes azues[...] os portugueses disseram que estas luzes eram prenúncio de bom tempo e expressamente mandadas por Deus, para confortar-nos na aflição [...][16]  Il nous parle de mort et d'angoisse: " [...] a tempestade era tão forte que não podíamos mais manter-nos [...] em grande angústia navegávamos ao acaso esperando encontrar o porto [...] Mas quando estávamos perto,nada mais do que a morte se nos deparou."[17]Les vents sont maléfiques et pestilentiels, entraîenent à la dérive et à la mort; le prête jésuite Fernão Cardim raconte son voyage : "por cinco ou seis dias tivemos grandes calmarias, trovoadas e chuveiros tão escuros e medonhos.E tão fortes ventos , que era cousa de espanto. [...] Neste tempo [...] adoeceram muitos dumas febres tão coléricas e agudas que em breve os punham em risco manifesto de vida [...] ".[18]

La mer exige donc, ses victimes et l 'historien Pierre Chaunu estime à 35%   les décès des marins sur les longs voyages maritimes, selon la durée des parcours. [19]Le spectre de la mort était toujours du voyage.  Les conditions de navigation étaient dures et rudimentaires et les bateaux fragiles, sur des mers ombrageuses. Le régime des vents et des courants était méconnu, le calcul de la vitesse approximatif et si les marins savaient estimer leur latitude, la longitude leur posait encore des problèmes.[20] Les naufrages étaient fréquents et souvent les conditions de vie et l'alimentation à bord étaient précaires et pénibles. Les aliments étaient rationnés , composés notamment de poisson, viande salée, oignon, farine, miel, huile d'olive, vinagre et des biscuits salés, les "biscuits du marin", la véritable base de leur menu quotidien. Le scorbut, manque de vitamine C, faisait des ravages et le manque d'higyène n'améliorait pas les conditions sanitaires des bateaux.[21]

Plusieurs expéditions,dont les plus importantes furent celles commandées par Cristóvam Jacques,  surveillent dès 1516 les côtes et tentent d'expulser les Français et les Espagnols qui commercent avec les Indiens pour l'obtention du "pau-brasil",  . Au bout de la traversée infernale, outre la guerre avec les autres Européens,les Portugais combattent également les Indiens dont ils ont su se faire  ennemis des principales tribus, comme les tupiniquins, les tamoios, les  botocudos, carajás, caetés, etc.;  déjà  en 1511, Fernão de Loronha , détenteur de la concession royale pour l'exploitation du "pau-brasil" ramène au Portugal des Indiens mis en esclavage.  Qui sont- ils donc, ces transfuges de la mer, qui ont maintes fois payé de leur vie l'audace de défier leurs peurs et traverser l'inconnu, ordalie suprême, dont nul n'est censé en réchapper?

FACE À L'INCONNU OU LE DÉSORDRE DES   PASSIONS

Si l'entreprise est portugaise, les équipages sont hétéroclites: Anglais, Français, Allemands, etc... sont admis à bord.  L'angoisse du voyage terminée, encore l'inconnu: les hommes sont souvent débarqués, de gré ou de force, qu'ils soient bagnards, naufragés, malades ou simplement en quête d'unenouvelle vie, lancés dans une aventure dont l'issue est alléatoire. Ils sont parsemés sur un immense territoire d'une beauté sauvage et surtout terrifiante, habité par des anthropophages ou à la  limitepar des êtres aux moeurs et coutûmes ahurissantes aux yeux des Européens, dont le nombre -incertain - est estimé aux alentours de 1,5 million.

Le voyage au bout de soi-même se termine dans la rencontre de l'Autre , l'autochtone, dont la perception sera nuancée: Indiens beaux et nus, semblables et pourtant si étranges. Les approches et les contacts seront différents, orchestrés cependant, par un regard de superiorité où se mêlent la  condescendance, l' admiration, la répulsion, le désir, etl' horreur.

Dans la problématique de l'altérité, "[...] le rapport à l'autre ne se constitue pas sur une seule dimension" nous dit Todorov.[22] Le mouvement axiologique qui passe de la contemplation à l'évaluation conduit soit à l'intégration, l'idéntification avec l'Autre, soit à l'assimilation de l'Autre à Moi. Les valeurs sont donc décisives: je les accepte ou je les impose.

Pendant les trois premières décennies du XVIè siècle, ces deux attitudes s'entremèlent : des Européens s'intègrent et adoptent la vie et les moeurs des Indiens, ou bien cherchent à s'en emparer pour les soumettre ou les vendre comme esclaves.

L'ethnocentrisme, le sentiment de supériorité donné par la foi chrétienne - les élus d'un seul et unique  dieu -  prédispose les Portugais à une attitude de mépris et de  méfiance mais ils sont surtout subjugués par la Différence.

Quand Pero Vaz de Caminha écrit en 1500 à Dom Manoel, roi du Portugal , la description qu'il fait des autochtones est accompagnée d'un jugement:

"[...] a feição deles é serem pardos, um tanto avermelhados, de bons rostos e bons narizes. Andam nus, sem cobertura alguma. Nem fazem mais caso de encobrir ou deixar de encobrir suas vergonhas do que mostrar a cara. Acerca disso são de grande inocência."[23]

Le language traduit le choc culturel: les "vergonhas" - parties honteuses- doivent être cachées, malgré le fait que chez les Indiens le "péché de la chair" n'existait pas. D'ailleurs, les Portugais ne se priveront pas de profiter de cette sexualité libre, mais la  nudité "paradisiaque"  sera dûrement combattue par les Jésuites, étant considerée comme  un appel constant au péché. Dans l'imaginaire des Portugais ce nouveau Paradis était comme la récompense des épreuves subies et les moeurs libertaires des Indiens leur donnaient l'impression de re-connaître le monde d'avant le Péché.

L' étonnement, cependant, cède la place non seulement à la concupiscence mais aussi à la comparaison qui cherche la similitude, la réduction de l'étrange au semblable. Selon le même Pero Vaz de Caminha,

" Ali andavam entre eles três ou quatro môças, bem novinhas e gentis [...]; e suas vergonhas tão latas e tão cerradinhas e tão limpas das cabeleiras que, de as nós muito bem olharmos, não se envergonhavam [...] E uma daquelas moças [...] era tão bem feita e redonda, e sua vergonha ( que ela não tinha) tão graciosa que a muitas mulheres de nossa terra, vendo-lhe tais feições, envergonhara, por não terem as suas como ela.[24]

En un siècle de chasse aux sorcières, la femme est l'Autre absolu, celle qui, par nature évoque le mal, le péché, la damnation. La littérature, l'iconographie réproduisent et divulguent les discours acerbement misogynes des réligieux, de la science médicale et des législateurs, recensés par Delumeau.[25]

Transi de désir et de peur, l'Européen regarde l'Indienne car, "fundamentalmente, o mundo selvagem , como o mundo diabólico se torna Mulher. Ele se declina no feminino.", affirme Michel de Certeau.[26]

Le regard du Portugais est évaluation physique, son jugement est moral et le classement immédiat: l'Indienne libre de ses choix et de sa sexualité lui apparaît comme une femme vicieuse, lubrique et impudique: la gaîté du plaisir est confondue avec la fausse joie des prostituées et leurs unions sont teintées par le mépris. L'Indienne devient rapidement la  "négresse ", femelle disponible, qui se prend par la force ou par l'achat. Les Européens vont créer chez les Indiens un marché de femmes qui n'existait pas auparavant.  

Les notions d'infériorité raciale/ culturelle,  mais aussi d'infériorité "naturelle"de la femme transforment la libre rencontre entre l'Indienne et l'Européen en une relation de pouvoir et de force. L'ímaginaire  a transplanté les relations de genre du Portugal au Brésil, et a inauguré ainsi, des pratiques sociales qui disqualifient l' Indienne, deux fois inférieure: en tant qu'autochtonne, donc différente/sauvage , et en tant que femme, dont l'ímage à l'époque, évoquait Satan et ses oeuvres, être sécondaire, fait à l'image de l'homme et non à l'image de dieu.[27].

Les binomes  superiorité/ infériorité, vente/ achat sont repris dans l'historiographie: "Da parte das indias, a mestiçagem se explica pela ambição de terem filhos pertencentes à raça superior [...] Além disso, pouca resistência deviam encontrar os milionários que possuíam preciosidades fabulosas como anzóis, pentes, facas, tesouras ".[28],écrit  Capistrano de Abreu. Son imaginaire   est rempli d'une certaine image de la femme et cette interprétation démontre l'imbrication du temps de l'historien avec le temps historique: ce passage nous montre une Indienne qui se vend pour des broutilles ( ce qui est dans la nature de la femme) et surtout nous indique un être inférieur avide d'une promotion raciale.

Vanhargem se penche sur l'opposition primitif / civilisé et attribue aux Indiennes des valeurs éminemment masculines et occidentales: la femme indienne serait pour lui, "plus sensuelle que l'homme, comme tous les primitifs [...] se donnait en ses amours, de préférence à l'Européen, peut-être par considération priapique." Ici  l' historien travaille dans des conditions de production  telles que son discours naturalise le sexisme et le racisme: la femme est primitive , donc sans limites ( opposée à l'homme civilisé et discipliné); l'Européen, de par sa nature, serait  plus doté sexuellement que les Indiens.[29]

L'Européen du XVIè si1ecle est sûr de sa supériorité, sûr également d'être le détenteur de la vérité, celle qu'íl doit imposer au monde. Les Portugais, plus que tout autre peuple, étaient déjà habitués à agir en conquérants, forts de leur expérience depuis le XVÈ , sillonnant les routes maritimes d'Afrique et d'Asie, qu'íls dominèrent pendant plus d'un siècle.

Au Brésil, pendant les trois premières décennies du XVIè siècle, la présence de l'Européen se distingue par trois postures différentes: l 'intégration à la population autochtone ; le commerce et les relations amicales avec les Indiens- pratiquées par les Français- et finalement le commerce et la guerre,avec l'esclavage des indigènes, attitude des Portugais. Il est éviddent que cette ébauche de classification est fortement nuancée et les relations avec les Indiens changeaient selon les tribus et le contexte.

On note plusieurs cas d'Européens qui se song intégrés à des tribus  indiennes, dont les plus fameux furent João Ramalho, dans les contrées du Sud et Diogo Alvares, vers le Nord. João Ramalho , bagnard ou naufragé, - on n' en est pas sûr - vécut dans la région de l 'actuelle São Paulo, parmi les Indiens, jusqu'à un âge très avancé, mais  a toujours prêté main forte aux Portugais pour la pacification des autochtones et même dans la guerre contre les tupiniquins. Diogo Alvares, par contre,  intégré aux Indiens, se contentait d'aider les naufragés ou les égarés , de leur donner abri et protection.  Leurs noms ont été retenus surtout parce que leur intégration et amitié avec les Indiens ont servi aux visées et aux besoins des Portugais, notamment  en tant qu'interprètes. Ce fut donc, une assimilation mitigée, l'Européen n'oubliant pas ses origines et ses attaches, prêt à porter secours et même à participer aux tâches de la colonisation. Il n'acceptait pas, cependant, de renoncer aux nouvelles habitudes et libertés acquises, notamment dans le domaine de la sexualité.[30]   

D'autres s'enfoncent dans la forêt et sont aperçus de temps à autre. Poussés par la fascination de l'image du Paradis, beaucoup d'hommes abandonnaient les bateaux et disparaissaient dans les terres; quelques- uns y étaient laissés par punition ou simplement parce que naufragés. Capistrano de Abreu nous parle de deux bagnards laissés à terre, les larmes aux yeux pendant que les bateaux de Pedro Alvares Cabral prenaient le large; alors qu'en même moment, des marins débarquaient en cachette,foulant du peid la "terre promise"pour y rester. L'historien indique que certains "[..] sucumbiram ao meio, ao ponto de furar lábios e orelhas, matar os prisioneiros segundo os ritos e cevar-se de sua carne."[31]

Ici, nous trouvons l' identification complète à l'Autre, ses valeurs et ses normes.

Hans Staden,  prisionnier et vivant parmi les Indiens, préserve , malgré tout ,son identité culturelle. Il ne refuse pas l'Autre puisqu' il tente de comprendre et de connaître la mentalité des indigènes et cette conaissence devient pouvoir sur eux. Il raconte:

"Nhaépepôpaçu fez-me conduzir à sua cabana e contou-me como todos haviam ficado enfermos. Dizia ele que eu já o soubera de antemão, poi se lembrava ainda que eu lhe havia dito que a lua fitava irada sobre sua cabana [...] É verdade, ficastes todos doentes porque tu me querias comer, embora eu não seja teu inimigo. Disto  vem tua infelicidade."[32]

Les Français adoptèrent vis-à-vis de l'Indien une attitude de supériorité et de condescendance , voire de protection: ils établirent des relations très amicales avec l'autochtone, une amitié teintée de paternalisme, mais dotée de tolérance. Les Français ne faisaient pas d'esclaves, ils étaient surtout intéréssés par le commerce du bois tinctotial.[33]

Claude d'Abeville reproduit le discours d'un Indien, lors de l'arrivée des Français sur l'île du Maranhão: 

" Já começávamos a nos aborrecer por não vermos chegar os guerreiros franceses [...] já tinhamos resolvido [...] abandonar esta região com receio do peró[...] . [34] La réponse du Commandant français évoque la protection de leurs corps contre les Portugais et le salut de leurs âmes; il parle de tolérance vis-à-vis de leurs coutumes,- à l'exception du cannibalisme -, mais aussi d'autorité : "[...] e enquanto tiverdes vontade de servir e adorar o verdadeiro Deus, de serdes fiéis e obedientes aos franceses, eu não vos abandonarei."

Cette attitude indique la soumission de l'Autre à Moi, l'altérité quei ne nie pas l'identité de l'Autre, tout en faisant le tri des valeurs, bonnes ou mauvaises, selon l'optique de celui qui se met en position de supériorité.

Les Portugais, par contre, adoptent une posture de superiorité absolue, d'anéantissement de l'Autre, moralement et physiquement. Ils emploient la ruse et la trahison, profitant de l' ingénuité des Indiens pour s'en emparer. Frei Vicente de Salvador commente que :

"Com esses enganos e algumas dádivas [...] abalavam aldeias inteiras e em chegando à vista do mar, apartavam os filhos dos pais, os irmãos dos irmãos e ainda às vêzes a mulher do marido [...] e todos se serviam deles em suas fasendas e alguns os vendiam [...] " [35].

L'Européen pose un oeil vicieux et lubrique sur les Indiens et leurs rites et ne  voit que ce qu'il désire voir. Son regard est incapable d'apercevoir l 'Autre: l'Indienne devient une prostituée; femmes et hommes se transforment en objet d'échange. La relation sujet / sujet est abolie et s'instaure un rapport  sujet/ objet qui va régir les contacts entre les Portugais et les Indiens au Brésil.

L'Autre/Objet se transforme en instrument dont la fonction est de combler le désir engendré dans l'imaginaire: le Paradis d'abondance, sans travail et sans contraintes morales se réalise par le biais de l'asservissement de l'Autre, de son corps et de son travail.

L'historien Raymond Faoro estime que les Portugais inventent une Amérique , mais "[...] com o curso do tempo, a imagem do paraíso se esvairá, perdida, com a assimilação do novo mundo pelo velho, na embriaguês mercantil."[36]

Cependant, du moins durant la première moitié du siècle, les Européens vivent au Brésil une phase dionysiaque, donnant libre cours aux pulsions telluriques, laissant gronder les passions dans un mouvement d'approche d'une nature "sauvage", dédoublement de leur propre nature.

Les danses et l'ivresse des Indiens, le délire collectif pendant cinq jours avant le s acrifice rituel des prisionniers, illustrent le spectacle  auquel s'intègrent quelques acteurs européens. D'autres sont des spectateurs ahuris ou envieux, réprimant leur désir secret de perte totale du Moi, dans la masse vibrante de l'autre.[37]Voluptuosité et cruauté, comme l'observait Nietzsche :

"[...] sous le charme de Dionysos, non seulement le lien se renoue d'homme à homme, mais même la nature qui nous est devenue étrangère, hostile ou asservie, fête sa réconciliation avec l'homme, son fils prodigue."[38]

Mais l'ordre extérieur s'impose pour dompter le désordre intérieur et héros ou victime s'alternent dans le rôle du sacrifié. Le sacrifice est de l'ordre du rite de passage: les Européens mourront par centaines dans leur quête du possible et de l'impossible; les Indiens, eux, seront exterminés à un rythme de plus en plus rapide, dans la guerre , l'esclavage et les maladies arrivées avec l'étranger.

LES TENTATIVES DE PEUPLEMENT ET EXPLOITATION ÉCONOMIQUE: L'ELDORADO ENGENDRE LA MORT.

Dans ce rite de passage qui est la découverte et la conquête du Brésil , un autre mouvement se présente à côté des premières tentatives de colonisation:  c'est celui qui pénètre les terres, le "sertão"inconnu, endroit mystérieux qui recèle, dans l'imaginaire des aventuriers, les trésors de l'Eldorado.

Pour Faoro,la conquête du  "sertão" est encore une traversée :

"[...] outro mar ignoto, só devassado pela audácia de novos navegadores, atraídos pelas minas [...] Ainda na primeira metade do século XVI [...] sob o patrocínio dos governadores e seus agentes, o sertão é atravessado, mas não dominado."[39]

Ces premiers mouvements de pénétration des terres deviennent vite un trafic organisé d'esclaves indigènes, qui ont été appélés  euphémiquement "luttes défensives" contre les Indiens, qui  protegeaient simplement leurs domaines des envahisseurs portugais.Ils apparaissent comme une ébauche de ce qui va être , au siècle suivant , les expéditions d'exploration et de conquête de l'intérieur des terres, les  Entradas e Bandeiras, expéditions officielles ou privées qui ont eu comme résultat éffectif  l'extermination et l'esclavage à grande échelle des Indiens.

À partir de 1530, a fin d' assurer l'occupation des nouveaux territoires, le roi du Portugal , D.João III,  fait apparailler un convoi destiné à former des noyaux de peuplement le long des côtes, 1a  organiser une certaine exploitation économique des terres et à établir un système juridique et administratif.

Le capitaine de cette  esquadrille fut Martim Afonso de Sousa, dont les pouvoirs octroyés par le souverain étaient très étendus; en effet, les concessions royales lui permettaient l'occupation et la distribution des terres - sesmarias-, la nomination des gouverneurs et capitaines et l'établissement d'un apparat juridique.Après une escale à Bahia. Martin Afonso fait voile rapidement sur le Sud, attiré par les métausx précieux que l'on disait se trouver dans la région du Rio da Prata. Arrivé à Rio de Janeiro, il débarque des colons et fait bâtir des habitations rudimentaires entourées de palissades ,et  organise  aussitôt une expédition pour explorer les terres.

 Pero Lopes de Souza, son frère, raconte: " Daqui mandou o capitam e 4 homens pela terra adentro: e foram e vieram em 2 meses; e andaram pela terra 115 léguas [...] e foram até darem com um grande rei [...] e deu novas como no Rio de Paraguay havia muito ouro e prata." [40]

Plus au Sud, Martim  fonde  la ville  de  São Vicente , avec église, prison, Conseil et autres édifices publics nécessaires à l'administration portugaise ; il fonde également - sur le plateau de Piratininga,  la ville de Santo André da Borda do Campo. Martim Afonso s'occupe de l'organisation et de la protection de ces deux villes , distribue des terres en  sesmarias et introduit pour la première fois la culture de la canne-à-sucre au Brésil, qui va devenir l'axe économique de la colonisation.

C'est ainsi que Pero Lopes de Souza détaille ces évènements:

"[...] e deu a todos os homês terras para se fazerem fazendas [...]e repartiu a gente nesta 2 vilas e fez nelas oficiais; e pos tudo em boa obra de justiça, de que a gente tomou muita consolaçam, com verem povoar vilas e ter leis e sacrificios e celebrar matrimonios.[41]

Les informations font miroiter les chimères et attirent les hommes, volontaires pour ces voyages, aussi pénibles soient-ils. Pero Lopes de Souza raconte encore qu'une autre expédition fut organisée sur les renseignements d'hommes qui habitaient le pays depuis 30 ans:

"[...] mandou a Pero Lobo com 80 homens, que fossem descobrir pela terra adentro: porque o dito Francisco Chaves se obrigava que em 10 meses tornara ao dito porto com 400 escravos carregados de prata e ouro."[42]

 Ils ne sont jamais revenus, victimes sacrificielles de cette traversée du labyrinthe de la forêt, aux mille dangers et aux folles promesses. Si la forêt recèle des pierres préciseuses et de l'or, elle n'en est pas moins réservoir d'esclaves où l'on  puisera presque exclusivement l' Indien, en laissant l'or mythique au second plan dans le courant du XVIè .siècle. En effet, São Vicente sera connue également comme "le port des esclaves." Frei Vicente de Salvador observe que

"[...] quando vão ao sertão é a buscar índios forros, trazendo-os à força e com enganos para se servirem deles e os venderem com muito encargo de suas consciências. E é tanta a fome que disto leam que, ainda que do caminho achem mostra ou novas de minas não as cavam nem ainda as vêem ou as demarcam."[43]

 La Mort orchestre la conquête du "sertão"sous le signe de la guerre: mort des Portugais engloutis par la nature ou herissés de flèches; mort des Indiens massacrés sans merci. L'esprit chrétien, cependant, cherche des justifications et ces expéditions de chasse à l'indigène ont toujours pour prétexte de punir les attaques ou les rébellions.

Ces justifications restent à l'ordre du jour  pendant toutes les étapes de la colonisation: en 1562, par exemple, dans le cadre administratif du Gouvernement  Général, le gouverneur Men de Sá condamne à l'esclavage toute une tribu -les Caetés - censés avoir dévoré le premier évêque du Brésil, lors d'un naufrage. Mais tous les Portugais n'acceptent pas cet attitude: le jésuite  Manoel da Nóbrega fait la part des choses et affirme que les colons sont les vrais responsables des révoltes indigènes et leurs exactions.[44]

Pour parer au massacre, en 1549 les Indiens étaient mis sous la protéction royale, mais uniquement les "indiens pacifiques"c'est-à-dire, ceux qui ne refusaient pas la domination des Portugais.[45] Pour  cela, la notion de "guerre juste"- guerre justifiée- fut retenue et le Gouverneur reçut le droit d'octroyer des licences spéciales pour les "expéditons punitives". La porte était ainsi ouverte aux pires exactions.

L'historien Sergio Buarque de Holanda remarque que l'interêt du Roi  porté aux terres intérieures brésliennes coincide avec la pénétration de Pizarro au Perou et la découverte de Potosi. Le Brésil n'ètait-il pas le prolongement oriental des terres peruviennes et la conquête du "sertão"  s'imposait, donc.[46] De plus, la force de travail indigène était la solution envisagée au développement de l'économie d'exportation reliant ainsi le Brésil au commerce mondial.

La guerre  totale  aux Indiens fut déclarée par Mem de Sá ( troisième Gouverneur Général, 1556/1570) dont l'objectif était  "[...] de estabelecer a segurança e a paz da terra, mediante a vitória e a sujeição completa sobre as tribos índias revoltadas ou inimigas e sobre seus aliados, os franceses.[47] Rien que dans la région de Bahia il fait brûler plus de 30 villages côtiers, abandonnés massivement pour les terres intérieures, où les indiens seront traqués plus tard.[48]

Ces expéditions accomplissaient deux tâches: dévoiler les secrets de la terre à explorer et ramener de la main-d'oeuvre pour les besoins de l'économie côtière; ce qui laisse à croire que elles étaient fortement stimulées par le gouvernement. Les incursions dans le "sertão" ont eu le mérite douteux d'augmenter le territoire portugais, en empiéant sur celui des Espagnols, à coups de massacres et d'exactions. L'historien Capistrano de Abreu se demande si "[...] compensará tais horrores a consideração de que por favor dos bandeirantes pertence agora ao Brasil as terras devastadas"[49]

Cependant , et malgré le bénéfice rapide  tiré de l'esclavage des Indiens, les mirages d'un paysage mythique/ magique attirent encore les expéditions: Gabriel Soares de Souza, un des plus fameux chroniqueurs de l'époque, ne résiste pas à l'attraction de l'or et y perd sa vie. Il écrit:

"E não há dúvidas senão que entrando bem pelo sertão desta terra há serras de cristal finíssimo que se enxerga o resplendor delas de muito longe [...] dos metais que o mundo faz mais conta, que é o ouro e a prata [...] esta terra da Bahia tem dele tanta parte quanto se pode imaginar."[50]

Ces hommes n'abandonnent donc pas la quête de l'Eldorado  mais  leur côté pratique continue de leur faire diriger les armes contre les Indiens. Dorita Nouhad observe que  "[...] Eldorado a donc d'abord été une réalité historique, l' histoire d'une fiction créée par le discours des Indiens réputée vérité par le désir des Espagnols [...]"[51]ou Portugais, selon le cas. Le pendant de l'Eldorado espagnol pourrait être le royaume décrit par Gandavo, dont les rues étaient jonchées d'or et de pierres précieuses, ou le Lac Doré, près des sources du São Francisco,où, selon le chroniqueur, "[...]  também há muito ouro e mais quantidade, segundo se afirma, que em nenhuma parte desta Provincia.".[52]

Ces aventuriers et leurs mythes vont hanter l'imaginaire occidental, jusqu'à nos jours, dans le sillon de Francisco Orellana et Lope de Aguirre, nouveaux Thesée et Hercules sur le chemin des Amazones. La saga de Aguirre revit au cinéma: "Aguirre ou la colère de Dieu"de Werner Herzog; dans la littérature contemporaine, avec "El camino de El Dorado"de Arturo Uslar Pietri et "Aguirre, Principe de la Libertad"de Miguel Oero Silva, parmi tant d'autres.

Les manuels scolaires brésiliens d'Histoire reprennent encore l'aspect heroïque des pérégrinations sauvages des premiers 'bandeirantes"où ces hommes apparaissent comme des exemples de courage et de témérité. Ce genre de discours tente d'éclipser la cruauté des tueries et de l'esclavage massifs, pour ne voir que l'aspect "civilisateur"de la domination territoriale. À contre- courant de cette perspective, le massacre perpétré par les Portugais d'un village d'Indiens occupe le centre d'un texte cinématographique non- euphémisant dans "The Mission", de Roland Joffe (1986).

Héros ou scélérats, ils sont eux-mêmes devenus des mythes: leur ombre persiste dans l'imagerie de notre époque, peut-être à cause de la poursuite d'un rêve archétypique qui pousse les êtres à courir après le bout de l'arc-en-ciel, là où se trouve, selon les légendes populaires, le chaudron d'or magique.

 

LA COLONISATION  S'ÉTEND: L'ORDRE DU ROI OU LE DOMAINE DES APPARENCES

 

À côté du regret poétique de l'Age d'Or , de la quête du Paradis , s'instaure l'Ordre du Roi, moyen sûr d'attirer le Nouveau Monde dans les mailles serrées de l'Ancien, gouffre insatiable où tout être ou produit devient commerce, touche magique qui transforme en réalité l'or mythique. C'est un projet politique qui s'annonce.

L'expédition colonisatrice de Martim Afonso représente le premier essai de main-mise du Roi sur l'ébauche dúne société qui se forme au Brésil. Mais il fallait une organisation plus tênue, remplaçant  l'établissement  précaire ( feitoria) des premiers temps,. "O açucar é resultado e não inspiração do novo esquema", souligne Faoro.[53]

Les Capitaineries Héréditaires représentèrent une nouvelle étape de la colonisation, qui débuta en 1534; ce système avait déjà été employé sur les îles du Nord de l'Afrique - Açores et Madeira - dont la prospérité se basait sur la culture de lanne-à-sucre, des vignobles, de l' élevage et même de la pêche.L'initiative privée était mise à contribution, dans la mesure où le Roi , par les Cartas  de Doação et les  Forais ( documents spécifiant ses droits)  cédait un certain nombre de lieues de terres  au "donataire",  ses rentes et bénéfices, ainsi que l'exercice de la justice civileet criminelle.Le Roi octroyait, donc, son pouvoir à un quidam, sur une portion du territoire, dont celui-ci détenait, en toute propriété, une certaine partie. Le "donataire" devait, en outre, créer des villes et les doter d'un cadre administratif ainsi que répartir les terres sous sa responsabilité , suivant des concessions appelées  sesmarias. Les droits octroyés aux "donataires" étaient inaliénables et héréditaires et les rentes et monopoles qui en découlaient  attirèrent l'initiative privée. Ainsi, la côte brésilienne fut divisée en 15 portions , d'extension variable, limitées par la mer d'un côté, et ouvertes sur les terres de l'autre.

Mais ce système n'a pas eu le succès escompté  puisque seules deux Capitaineries prospèrent - celles de Pernambuco et de São Vicente , octroyées à Duarte Coelho e Martim Afonso de Souza.

Ainsi, en 1549 le Roi reprend les rênes et établit une nouvelle forme d'administration: le Gouvernement Général qui va siéger longtemps à Bahia. Ce changement avait pour but  non seulement de lutter contre l'individualisme administratif et l'insubordination des colons, mais aussi de promouvoir les activités économiques dans le Capitaineries,d' organiser la protéction des villes et la lutte contre les indigènes,et finalement de veiller aux droits de la royauté .

 Ce sera le pouvoir royal qui chapotera toutes les administrations des Capitaineries, qui n'en seront pas abolies pour autant. Les premiers Gouverneurs  ont été Tomé de Souza, Duarte da Costa et Mem  de Sá, ce dernier restant en  poste de 1558 à 1570. À cette date, l'administration du Brésil est divisée en deux Gouvernements-Généraux, dont les sièges sont établis , un à Salvador, avec Luís de Brito e Almeida à sa tête et l'autre à Rio de Janeiro, gouverné par Antonio Salema.

L'ordre s'installe : le chaos doit être maîtrisé . En ces quelques étapes , le pouvoir du Roi établit,  tout au long du XVIÈ siècle, un encadrement administratif , judiciaire et urbain qui tente de limiter le farouche individualisme des premiers temps, en une sorte de domestication de ces hommes livrés à eux-mêmes.C'est le domaine des apparences où l'ordre établi cache sous un masque formel le désordre qui gronde.

En effet, l'Ordre du Roi est tolérant er n'impose pas le glaive pour éliminer l'injustice et la violence; il ne protège pas effectivement l'Indienne violée ou l'indigène soumis à l'esclavage. Il règlemente, définit, délègue des pouvoirs, établit des normes et finalement ordonne les forces sociales dans le but unique de rentabiliser le Brésil auprès des intérêts de la Couronne.

L'Ordre du Roi instaure surtout le principe d'autorité , de hiérarchie et met en route les rouages qui permettront un développement sous vigilance. Les crimes punis de peine de mort indiquent  clairement les trois volets auxquels s'attache cet Ordre: la trahison, l'hérésie et la sodomie. Ce sont les domaines de l'autorité royale, de la soumission de l'esprit et l'encadrement de la vie privée qui importent. Le discours du pouvoir contrôle l'action et le désir, l'imaginaire et la licence des moeurs. Les groupes doivent être organisés, leur solidarité établie selon les normes et les critères hierarchiques et moraux.

L'installation d'un cadre urbain, certes précaire, se fit nécessaire  pour servir les intérêts de la Couronne avant même le peuplement des régions et les Gouverneurs reçurent des consignes précises à ce sujet, car l'instauration de l'autorité supposait le rassemblement du peuple.

Le peuplement , cependant, se faisait sous le signe de la guerre et de la violence. Les Indiens répondaient aux attaques et les villageois vivaient dans un climat de danger permanent.

Hans Staden raconte ses expériences " Uma noite vieram em setenta canoas e atacaram , segundo seu costume, às primeiras horas da madrugada [...] Afinal, os tupinambás venceram Incendiaram a povoação de Bertioga.[54]

Le danger cimente les relations de voisinage mais selon les directives royales, un système de pouvoir restreint  s'établit ; ainsi, le groupe-décideur des villages ( ceux qui votent) est formé par les "honnêtes gens", - os vizinhos-  duquel étaient exclus les ouvriers, mécaniciens, bagnards, juifs et étrangers. Il existait donc des critères de définition de citoyenneté au Brésil, - la propriété des terres et des esclaves -indiquant qui pouvait prendre part aux décisions relatives aux villes et à ur organisation. Cette élite ainsi formée domine donc, des larges  portions du territoire, par la possession des sesmarias  et contrôle les instances administratives locales dont la plus importante est la Chambre Municipale.Celle-ci  représentait d'une part, les citoyens locaux, car les charges principales étaient occupées à la suite d' élections ;  d'autre part elle était subordonnée au gouverneur, et par là même lui servait d'  instrument exécutif de ses décisions.La main-mise du Roi était ainsi dans toutes les instances du pouvoir politique. 

Cardim constate qu'en 1583, Rio de Janeiro e Vitoria do Espírito Santo comptaient 150 voisins chacun; São Paulo, 120 "com muita escravaria"; à São Vicente,

"[...] os padres estão como heremitas, por toda semana não havendo gente e aos domingos, pouca." [55]; les voisins étaient évalués à 80 à Santos et 50 à Itanhaem et São Jorge de Ilhéus. À la même époque, par contre, Pernambuco et Bahia connaissaient déjà des villes bien plus importantes. Avec ses 2 000 voisins, Cardim raconte que Pernambuco "[...] tem 66 engenhos que cada um é uma povoação[...] há homens muito grossos de 40, 50, 80 mil cruzados de seu [...] Vestem-se e as mulheres e os filhos de toda sorte de veludos, damascos e outras sedas, e nisto tem grandes excessos." [56]

La culture de la canne-à-sucre produisait déjà des richesses et  à Bahia se situait le centre des affaires et de l'administration ; Cardim observe que

"A Bahia é cidade de El-Rei, e a corte do Brasil; nela residem os srs.Bispo, Governador, Ouvidor Geral, com outros oficiais e justiças de Sua Majestade[...] É terra farta de mantimentos [...] tem 36 engenhos, nelles se faz o melhor assucar de toda costa; [...] terá a cidade com seu termo passante tres mil vizinhos portugueses, oito mil indios christãos e tres ou quatro mil escravos." [57]

La répartition  tant du peuplement  ( surtout sur la côte) que de la richesse  présentait une grande disparité. À la fin du XVIè siècle à São Paulo, ville située à l' intérieur des terres, la Chambre Municipale ne pouvait payer ses dettes qu'en produits ( coton, cire, cuirs) et les maisons étaient en bois, couvertes de chaume. Taunay commente que

"Ao cair da noite ficava a vila imersa na mais profunda treva, ressoando cedo o sino do Colégio o toque de abafar[...] condenando a populacão inteira da vila a se encerrar em casa, em torno de alguma luz mortiça e fumarenta [...]"[58]. Tandis qu'on y vendait de la confiture de coing, Bahia e Pernambuco produisaient de plus en plus de sucre et s'intégraient à l'économie mondiale. En 1583, le Sud ne possédait  que 10 % des moulins à sucre du Brésil.[59];;

L'Ordre du Roi comprend la Loi; le domaine du visible et du codé, réglementation des relations entre les individus. La justice royale se déploie de manière à atteindre toutes les couches de la société et vise à l'orientation de la conduite sociale et morale, basée sur le respect de l'autorité.On voit donc, se reproduire au Brésil le réseau des pouvoirs  d'ordre politique et social existants au Portugal,  teintés  cependant, de leurs  conditions singulières    d'implantation.

Socle de l'autorité divine, l'Eglise représentait le pendant spirituel à la Justice du Roi,  et le contrepoint nécessaire au contrôle des représentations qui pouvaient déborder sur  la dés-organisation du social. Les  jésuites étaient arrivés avec le Gouverneur Général, Tomé de  Souza, en 1549 et c'est en 1551 que le premier 'Évêché est créé au Brésil.L'hérésie et la lèse-majesté étaient en somme des crimes semblables, puisqu'ils attaquaient la source du pouvoir.

L'Eglise va surveiller le quotidien , régler les abus, tisser des rapports de pouvoir qui s'étendent jusqu'aux moments les plus intimes de la vie des individus. Dès la fin du XVIè siècle, arrive au Brésil la Première Visitation du Saint Office - l'Inquisition - pour juger les rebelles à la norme. L'historien Vainfas affirme que "corria solto o desrespeito às leis do Estado e da Igreja[...]" [60]et observe l'omniprésence des discussions sur le péché - fantôme qui rodait partout, n'empêchant rien, mais conttribuant au mantien des apparences.

Les visées de l'Eglise et du Roi se confondent, leur autorité émanant de la même source, l'autorité divine. Famille, mariage, l'ordre moral se mêlent à l'ordre politique et l'autorité passe de Dieu  à l'Église, au Roi et au père. La famille est donc la based e l'édifice social, et le mariage le moyen de subjuger la licence et la luxure.

Cependant, les femmes blanches étaient rares au Brésil et ce ne fut qu'à partir de l'organisation des Capitaineries qu'on les y rencontre; les Portugais vivaient en concubinage avec des Indiennes, ce qui déplaisait au plus haut dégré à l'autorité réligieuse. Des Portugaises, mariées ou célibataires fontla traversée de l'océan et doivent en  subir tous les sacrifices et périls; elles sont aussi du voyage lors de l'exploration du "sertão". Le voyage de Mencia Calderon, Maria de Bastos et Isabel de Contreras, dont faisaient partie cinquante autres femmes, en fut le prototype: tempêtes, révolte de l'équipage, manque de vivres, attaque des pirates, naufrage et finalement une traversée du "sertão"vers le Paraguay, qui dura cinq mois.[61]

Malgré le  voile qui couvre l'action et la présence des femmes dans l'historiographie sur le XVIè siècle au Brésil ( avec quelques exceptions qui confirment la régle), les plus hautes charges administratives se trouvaient  parfois entre les mains des femmes: Dona Beatriz de Albuquerque gouverna le Pernambuco, en l'absence de son mari, Duarte Coelho. Les chroniqueurs de l'époque nous indiquent  que beaucoup de femmes  possèdent de plein droit et administrent leurs terres ; les femmes héritaient également des donations faites par le Roi: l'hérétière universelle des biens du troisième Gouverneur Fénéral, Mem de Sá, fut sa fille, la contesse de Linhares et Leonor de Campo hérite de la Capitainerie de Porto Seguro de son père, Pedro de Campo.[62] : Dona Jeronima de Albuquerque était propriétaire de la plus ancienne capitainerie , de Tamarcá et décidait de son administration.[63]  Selon Taunay, Dona Maria Affonso , de son côté, sollicite des terres à son nom auprès dd la Chambre Municipale de São Paulo.[64]

Les femmes n'étaient pas exclues de la transmission des héritages,  elles pouvaient administrer leurs biens , participer aux luttes poloitiques et avoir recours à la justice, comme sujet de droit. Dona Ignez Monteiro de Alvarenga, au XVIIè siècle, disputa au tout puissant Fernão Dias Paes la tutelle de ses petits-enfants. Taunay la 'decrit comme "[...] símbolo inquebrantável de irredutibilidade política [...] a quem o Governador Geral tivera que pedir que depuzesse as armas."Elle porta l'affaire en justice "[...] pois estava em seu perfeito juízo, governando e administrando sua fazenda [...] sem que de outrem necessitasse de alguma coisa."[65]

Mais ce même Taunay prétend esquisser un profil de la femme de l'époque: "[..]  na monotomia dos deveres caseiros, na sujeiç ão absoluta aos maridos e aos pais[...]"[66]Il est cependant inconcevable, que des pionnières ayant subi des naufrages, attaques d'Indiens et marches forcées ne sachent pas manier des armes ou diriger des affaires. Ces frêles créatures sans initiatives "[...] que aí casaram com quem lhes der de comer"[67]  sont décidemment créées par l'imaginaire masculin, selon ses propres visions, qu'il soit historien du XXè  ou chroniqueur du XVIè.

Frei Vicente de Salvador décrit un autre type de femme, lors d'une attaque des Anglais à Bahia: "Veio uma mulher à cavalo, com lança e adarga de Itapoa, repreendendo aos que encontrava por que fugiam de suas casas [...]"[68] L 'historiographie récente brise cette image figée de la femme., Vainfas et Bellini, entre autres, analysent les procès de l'Inquisition et nous livrent des femmes de l'époque coloniale qui échappent aux moules sociaux, en privé et en public.[69]

 Mais la royauté et l'Eglise essaient d'encadrer femmes et hommes et fait de la morale sociale son meilleur allié.

 L'Ordre du Roi ainsi s'instaure lentement, mais sûrement et le développement économique accompagne le projet politique: en 1560, onze ans après l'installation du Gouvernement  Général, le sucre brésilien était sur tous les marchés européens.La prodction de sucre  sera la principale activité économique du Brésil pendant plus d ' un siècle , autour de laquelle seront créées de nouvelles relations sociales. Le modèle du patriarchat évince progressivement les femmes de l'espace publique et l'économie des  engenhos exige de plus en plus d'esclaves, qui seront fournis par le trafic des noirs d'Afrique.

Cependant , le désordre survit sous le domaine des apparences. Si l'Ordre du Roi arrive à estomper les activités guerrières des indigènes, par le massacre et l'esclavage, il n'en reste pas moins que la guerre souterraine des micro-pouvoirs, inlassablement reproduits dans les rapports quotidiens, se poursuit, car comme le souligne Foucault, le pouvoir  ne s'octroye pas, il a'exerce. [70]

L'implantation de l'Ordre du Roi, projet politique et économique est aussi une histoire de guerre pour le Pouvoir, contre les pouvoirs.

RE-CONNAISSANCE ET DIFFÉRENCE: "MOI, C'EST L'AUTRE"

                                       Rimbaud

 

La rencontre d'un nouveau monde, d'une population inconnue, déclenche chez l'Européen un mouvement d'exclusion, de peur face à la différence et d'assimilation dans le  moulage des nouvelles relations sociales..

D'un côté nous avons l 'Utopie, lieu idéal fixé dans l'imaginaire et retrouvé dans l'exubérance de la Nature, dans l'innocence des Indiens; de l'autre, cette même nature, sauvage et brutale, qui abrite l'altérité absolue, l'Indienne nue, l'antropophagie, une organisation matérielle effarante.

Laura de Mello e Souza établit deux pôles dans cette rencontre: la sublimation de la nature et la satanisation des hommes;[71] ce partage, cependant est nuancé et le merveilleux est teinté d'horreur.

Gandavo affirme que

"[..] he esta Provincia [..] a melhor para a vida do homem por ser [.] de bons ares e fertilissima [...]" .Par contre, [...] nam he de se espantar que haja nela muita diversidade de animais e bichos feros e venenosos [...] onde os climas [...] nam sao menos dispostos para os gerarem do que a terra em si [...]"[72]

La terre est aussi peuplée de monstres aquatiques, de vrais minotaures brésiliens, êtres hybrides qui attaquent les hommes dans les labyrinthes des marécages et leur mangent les yeaux, le nez ,le sexe et le coeur, symboles des sens les plus prisés par les chroniqueurs.[73]

La différence est encore marquée: "[...] todo o país e as árvores estão cobertos de aves. Não ha entretanto uma só dessas espécies que nos seja comum. São todas diferentes tanto na beleza quanto na utilidade."[74]

Mais si l'on note les différences, c'est pour mieux trouver les similitudes: "Este Brasil he ja outro Portugal [...]"[75]disait Cardim. En effet, la recherche de la  similitude n'est qu'une tentative de donner un sens, une signification à l'Autre. Ainsi le merveilleux décodé dirige l'Autre vers le Même; décrire c'est donner de l'ordre au chaos, d'où le besoin taxonomique des chroniqueurs. Le monde serait un espace de similitudes dont le sens est caché: la connaissance serait donc , l'interprétation et par là même, l'appropriation de l'Autre[76]

La prespective du Même (nous) est auto -centrée et suppose un regard descriptif déjà imbibé de valeurs: l'herméneutique de l'Autre (ils) ménera ainsi à un procès d'exclusion ou d'acceptation, doublé de stratégies différenciées selon qu'il ságit des colons ou des missionaires. L'historien ne manquera pas non plus d'interpreter selon son propre point de vue.

L'approche des autochtones obéit également à une double perception: d' êtres maléfiques, agents de Satan ou d'êtres candides, fils de l'Innocence, proches de Dieu. Gandavo comente "[...] São estes indios mui deshumanos e crueis [...] vivem como brutos animais sem ordem nem concerto de homem."[77]Cardim, par contre, considère qu'ils "[...] são candidissimos e vivem com muito menos pecado que os portugueses.[78]

Leur manière de vivre en communauté, partageant tous les biens et la nourriture, est motif de grand étonnement et admiration ""[...] porque todos, como digo, sam iguais e em tudo tam conformes nas condiçoes que ainda nesta parte vivem justamente e conforme à lei da natureza"[79]L'anthropophagie représente l'horreur absolue:

"Huma das cousas em que estes indios mais repugnam o ser da natureza humana [...] he nas grandes e excessivas crueldades que executam em qualquer pessoa [...] he comem toda a carne usando nesta parte das cruezas mais diabolicas [...]"[80]

Mais elle est un important rituel d'organisation sociale et de transformation: l'Autre assimilé, digéré, transforme le même et lui octroie une nouvelle place dans la société. La répulsion que cela provoque chez les Portugais donne lieu à l'exclusion la plus brutale et justifie l'esclavage. En effet, le mal doit être dompté et Manoel da Nóbrega, un des plus prestigieux missionnaites au Brésil, écrivait sur les Indiens: "Mas são tão carniceiros de corpos humanos, que sem exceção de pessoas, a todos matam e comem[...] e por isso se S.A.os quer todos convertiods, mande-os sujeitar.[81]

Dans ce cas, l'horreur tient la place du merveilleux qui, dans la conception de Michel de Certeau est

"[...] marca visível de alteridade, não serve para propor outras verdade ou um outro discurso, serve para fundar uma linguagem operatória e  dirigir a exterioridade para o mesmo.[82]

L'anthropophagie fonde un discours unique sur l'Indien d'un éternel confrontement entre supérieur / inférieur, civilisé /sauvage. Le regard ethnocentrique se prolonge dans l'historiographie: Thomas, par exemple, estime que "[...] o nivel cultural relativemente inferior de todas as tribos do país, seus costumes barbaros e a sua pequena capacidade intelectual tiveram uma influência decisiva na formação da mentalidade dos portugueses."[83]  Gilberto Freyre remarque que "[...] sous la pression technique et morale de la civilisation avancée, s'écroule celle du peuple retardataire."[84]

L'esclavage a donce été proné afin de "sauver"l 'Indien et le tirer de l'abîme de la Différence. Evidemment , les intérêtes économiques ( utilisation de la main-d'oeuvre) étaient implicites dans le concept de "civilisation".

L'herméneutique de l'Autre se poursuit losqu'il s'agit de l'analyse de l'organisation sociale des Indiens. L'axe d'observation tourne autour de la guerre et de la polygamie et le diagnostique est celui d' une société à dominance masculine.

En effet, il n'existe pas chez les Indiens de pouvoirs institutionels (ni Loi, ni Foi, ni Roi, disent les chroniqueurs) et les micro- pouvoirs diffus des relations sociales se partagen entre femmes et hommes.[85] Comme le remarque Gandavo, "todos seguiam muito o conselho das velhas, tudo o que ellas lhes dizem fazem e tem-no por muito certo."[86]

Le plaisir pourrait s'avérer être la valeur détermininate de ces sociétés, si nous voulions les lire autrement, d'après les données des chroniqueurs eux-mêmes.[87] Le plaisir, notamment sexuel, est assuré à femmes et hommes, d'âge et de conditions différentes ( selon certaines normes) et la liberté dans le choix des partenaires très étendue. Le schéma "le père donne sa fille "ne correspond à rien chez les Indiens, car les parents et surtout la mère consentent à l'union femme/ homme tout en laissant la décision aux intéressés. Pour la séparation, il en était de même, puisqu'elle se faisait à l 'initiative de l'un ou de l'autre.[88] Pas de virginité à garder, les filles étaient libres de leur désir, ce qui a tant frappé les Européens.[89] La fête durant des jours entiers - danses, musique, chants, ivresse éperdue - se trouvait en tête des plaisirs les plus prisés, au grand scandale des Portugais.

La polygamie, d'ailleurs, fit couler beaucoup d'encre, mais la question était posée à l'envers : ce n'était pas au plus prestigieux / riche Indien que revenait la possibilité d'entretenir plusieurs femmes ; au contraire, par son courage et son audace, un homme pouvait espérer que plusieurs femmes s'y intéressent, lui permettant ainsi d'être respecté dans la communauté.

La guerre périodique était pour les hommes un rite de passage vers le monde des femmes: il ne pouvaient se marier sans avoir fait et tué un prisionnier. Véritable transformation de l'individu, ils changeaient de nom et pouvaient alors s'intégrer à l'organisation sociale de la tribu en tant qu'être à part entière.[90]

Les chroniqueurs parlent beaucoup des "maisons d'hommes" et de leurs réunions, mais l'organisation des femmes, dont dépendait essentiellement la vie matérielle de la communauté est passée sous silence.[91]

La guerre était le domaine où le Principal ( l'Indien le plus respecté) exerçait une sorte de pouvoir d'organisation et exortation. Le vrai pouvoir, catalyseur des masses était celui des pajés- xamans- fonction dont ne dépendait nullement le sexe. Les pajés - femmes et hommes - sont prophètes, musiciens, guérisseurs ; elles/ ils déchiffrent les rêves, annoncent les presages , se prononcent sur les décisions à être prises par la communauté. Suivant leur prestige, leur rayon d'action pouvait atteindre plusieurs tribus.[92]

Mais si la guerre est une activité culturelle masculine chez les Tupinambás et autres tribus de mêmes moeurs, chez les Aimorés, par exemple, les femmes étaient guerrières à part entière et participaient d'égale  à égal aux expéditions.[93]

Gandavo indique que

"[...] algumas indias ha que tambem entre ellas determinam de ser castas, as quaes nam conhecem homem algum de nehuma qualidade nem o consentirão, ainda que por isso as matem. Estas deixam todo exercicio de mulheres [...] e vão à guerra com seus arcos e flechas e à caça, perseverando sempre na companhia dos homens e cada uma tem uma mulher que a serve com quem diz he casada e assi comunicam e conversam como marido e mulher."[94]

La catégorie culturelle - genre - est donc perméable,puisque ces femmes sont considérées effectivement comme des hommes et non pas des erzats. Parmi les Indiens, le culturel n'est pas nécessairement naturel.

L'homosexualité est d'ailleurs fort répandue dans les deux  sexes, ce dont témoigne encore au XXè Lévi-Strauss. Gilberto Freyre, embourbé dans ses préjugés, se demande si ce n'est pas un défaut congénital.[95]

Des femmes -guerrières, vivant entre elles en communautés séparées des hommes sont souvent évoquées par les chroniqueurs d'après les descriptions des Indiens.[96]Frei Gaspar de Carvajal raconte les luttes des Espagnols contre ces femmes, inconcevables dans leur réalité, donc aussitôt reléguées au domaine de l'imaginaire mythique. Les femmes -guerrières brésiliennes, dont les Indiens ne cessaient de parler sont transformées en Amazones grecques et aussitôt renvoyées au mythe, dimension rassurante.

L'historiographie a repris le thème en tant que mythe - domaine des impossibilités - car, l'impossible culturel devient l'impossible tout-court. Paul Veyne observe que "[...]sabemos apenas o que nos deixam saber [...][97] Geneviève Pastre affirme, à ce sujet, que "[...] au lieu d'être stockée, l'information ne fut plus disponible, mais exclue, on appela production de l'imaginaire et combinaisons fantastiques et irréelles ce qui avait sans doute existé[...]"[98] Rien ne prouve que n'aient pas existé ces femmes - guerrières dont parlait Carvajal - invraissamblable image pour les Européens - et la mythification dans ce cas n'est qu'une sorte d'offuscation.

Si les procédés d'exclusion mènent à l'esclavage, l'intégration des sociétés autochtones au monde portugais conduit à l'appropriation de l'Autre, dans une sorte de désagregation sociale et culturelle. C'est le cas de l'action des Jésuites au Brésil. Missionaires intrépides, arrivés dès 1549, les Jésuites partent à la "conquête" de l'Indien, de son âme, imbus d'esprit de sacrifice, voire de martyre.Leur objectif est de le transformer, le sortir de la fange du péché et de le ramener sur la bonne voie, dont ils ont le secret.

Leur action va se heurter sans cesse à la fringale esclavagiste des colons, mais ils défendront leur protégés au péril de leur vie. Le XVIè et XVIIè siècles vont être le theâtre de discussions juridiques sur la liberté des Indiens et verront l'élaboration d'un florilège de lois et décrets promulgués par la Couronne, jamais respectée, cependant. Des vagues successives et sauvages d'attaques déferlent sur les Indiens que'ils soient chrétines ou non et les villages - aldeamentos - organisée par les Jésuites devinrent rapidement le  seul rempart contre les traficants d'esclaves.

Bien  que les protégeant physiquement, les Jésuites, cependant, apportèrent des transformations radicales chez les Indiens. Ils imposèrent une morale et des valeurs étrangères, les notions d'autorité, d'obéissance, de culpabilité,de remords.De plus, ils instaurèrent une nouvelle division du travail - les hommes au travail extérieur , les femmes à la maison -et par le mariage chrétien, un autre rapport entre les sexes, avec son corollaire d'interdits pour les femmes.

Les Jésuites procèdent donc, à une appropriation sociales du discours, dans la mesure où la tractn et l'utilisation de la langue indigène servirent à établir un discours de vérité. Ils volent les mots, ils prennent les mots qui annocnet un savoir d'exclusion, privilège de celui que parle, qui domine la parole et son sens et tranche sur le vrai et le faux. Le savoir est ainsi distribué, attribué, établi sur l'autorité de celui qui parle; les mots deviennent un outil de pouvoir qui disqualifie tout autre savoir et tout autre être. Aux pratiques pédagogiques des Jésuites pourraient être attibués les commentaires de Foucault: "Tout système d'éducation est une manière politique de maintenir ou de modifier l'appropriation des discours, avec les savoirs et les pouvoirs qu'ils emportent  avec eux.[99]

Ainsi, la connaissance de l'Autre, privé de sa parole devient domination. L'assimilation  pratiquée par les Jésuites n'est finalement que'une autre forme d'exclusion, car il est impératif que l'Autre devienne le Même dans le paradigme ethnocentrique. Dans ce cas, l'appropriation de la parole et la pénétration dans le monde de l'Autre mènent à sa disparition en tant que sujet de son discours, dans le sens donné par Foucault, d'une pratique singulière dans ses formes d'enchaînement et de formation.[100]La désorganisation du monde matériel et imaginaire des indigènes les plonge dans une dimension obscure où l'identité se transforme en idéntification.

"Moi, c'est l'autre" signifie ici la perte de l"Autre.

La découverte et l'occupation du Brésil au XVIè siècle pourraient être schématisées en un procédé d'exclusion et d'assimilation de la population autochtone, qui alterne le pacte, la transgression et la guerre, dans un souffle de violence et de rêve, de sacrifice et plaisir, ordonné par le merveilleux, l'ambition et la mort.


 

[1] A propos de cette afirmation voir, par exemple, Bronislaw Baczko.A imaginação social, Enciclopédia Einaudi, vol. 5, Lisboa, Imprensa Nacional - Casa da Moeda, 1985 et Claude Gilbert Dubois, L'imaginaire de la renaissance, Paris, PUS-Écriture, 1985; voir également Cornelius Castoriadis, L'institution imaginaire de la société  et sur la notion d' imagination imaginante, créatrice, l'ouvre de Gaston  Bachelard .

[2] Michel Foucault. Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, Gallimard, 1972, p. 20

[3]voir, à titre d'exemple de ce type d'abordage, Sergio Buarque de Holanda. Visão do Paraíso, S.P. NAC/USP, 1969;  Laura de Mello e Souza, O diabo na terra de Santa Cruz, S.P., Cia. Das Letras, 1987

[4]A propos de ce concept, voir Gilbert Durand. Le renouveau de l'enchantement, Questions de Mythe et Histoire, 59, Paris, Albin Michel, s/d, p. 99

[5] voir, à ce sujet, Sergio Buarque de Holanda, op.cit.

[6]Jean Delumeau.La peur en Occident- XVIÈ, XVIIIÈ siècles, Paris, Fayard, 1979

[7]Jerôme Aeken Bosch, peintre hollandais ( 1462-1516)

[8]Sebastien Brant, poète satyrique, né à Strasbourg ( 1457-1521)

[9]Jean Delumeau.op.cit. p.236

[10]Michel Foucault.op. cit. p.75

[11]Idem, ibid. chapitre VII, p.205

[12]Cette polarisation est analysée  avec viguer par Laura de Mello e Souza, op.cit.

[13]CLae d'Abeville . História da Missão dos Padres Capuchinhos na Ilha do Maranhão e terras circunvizinhas., S.P. Martins Fontes, 1945, p.28/29

[14]idem, ibid. p.32

[15]Pero Lopes de Souza.  Diário de Navegação, S.P. , Obelisco. 1964. p.45 /46 /48 et 64

[16]"Hans Staden. Duas viagens ao Brasil, S.P. Soc. H. Staden, 1942, p. 43/ 44/ 45

[17]idem. ibid. p.69

[18]Fernão Cardim.Tratado da Terra e gente do Brasil, S.P. Nac., 1978, p.172

[19]Pierre  Chaunu. Conquista e exploração dos novos mundos. (séc.XVI) , S.P., Pioneira/ USP, 1984, p.311

[20] voir à ce sujet, Frédéric Mauro, Le Brésil du XVÈ à la fin du XVIIÈ siècle,  Paris, SEDES, 1977, p. 109.

[21]Janaína Amado e Luis Carlos Figueiredo. No tempo das caravelas, Goiania, CEBRAF/UFG São Paulo/Contexto,`992

[22]Tzvetan Todorov. La conquête de l'Amérique,Paris, Seuil, 1982, p.191

[23]Pero Vaz de Caminha participa à l'expédition de Pedro Alvares Cabral. Citation in J.F.A. Prado.Primeiros Povoadores do Brasil - 1500/1530, S.P. Nacional, 1966, p.142

[24]ïdem, ibid. p.143/144

[25]Jean Delumeau.op. cit. chapitre X, notamament p. 317 à 323

[26]Michel de Certeau. A escrita da História, R.J., Forense, 1982, p.232

[27]Une certaine image de la femme a été construite à paritr notamment du XIIème siècle, parfaite dans les siècles suivants par le discours réligieux , littérature à l'appui, comme  le démontre si bien  Delumeau,op, cit. D'un autre côté, la parole de l'apôtre Paul fait jurisprudence: " En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l'homme; et l'homme ná pas été créé à cause de la femme , mas la femme a été créée à cause de l'homme."1ere Epitre aux corinthiens, 10,8-9.

[28]"J.Capistrano de Abreu.Capítulos da História Colonial 1500/1800., Brasília, Ed.UnB. 1982, p.61

[29]Cette citation de Vanhargem apparaît dans Gilberto Freyre. Maîtres et esclaves, Paris, Gallimard, 1974, p. 97, qui la trouve assez humoristique.

[30]voir à ce sujet, J.F. Prado.op.cit. p. 85 à 96 et 102 à 108

[31]J. Capistrano de Abreu.op.cit. p.60 et 62.

[32]Hans Staden op.cit.p.107

[33]voir à ce sujet, Capistrano de Abreu. O descobrimento do Brasil ,R.J. , Civilização Brasileira, 1976, p.52

[34]Claude d'Abeville. op.cit. p. 59/ 60

[35] Frei Vicente de Salvador. História do Brasil. 1500/ 1627. S. P., Melhoramentos, 1954, p.197.

[36]Raymond Faoro. Os donos do poder., Porto Alegre, Globo, 1977. p. 103

[37] voir à ce propos, l'analyse faîte par Michel de Certeau,op.cit., cap. V, "etnografia: a oralidade ou o espaço do outro."

[38]Nietzsche. La naissance de la tragédie., Paris, Gallimard, 1976, p.26

[39]Raymond Faoro.op.cit. p.154

[40]Pero Lopes de Souza. op.cit. p.36

[41]"Pero Lopes de souza.op.cit.p.74/ 75

[42]idem, ibid. p. 40

[43]Frei Vicente de Salvador. op. cit. p.52

[44] cité par G. Thomas. Política indigenista dos portugueses no Brasil

[45]idem, ibid. p.60

[46] pour le développement de cette idée, voir Sérgio Buarque de Holanda. op. cit. p. 80 à 90

[47]idem, ibid. p.74

[48]Florestan Fernandes. Organização social dos Tupinambás., S.P., Difusão Européia do Livro, 1963, p.36

[49]J. Capistrano deAbreu.op. cit.p.110

[50]Gabriel Soares de Souza. Tratado Descritivo do Brasil em 1587, S.P., Nacional, 1987, p. 350/ 351

[51]Dorita Nouhad.  Eldorado., in P. Brunel ( org.)Dictionnaire des mythes littéraires,Paris, Ed. Rocher, 1988, p.554/ 558. Pour ce qui concerne la citation, p.558

[52]P.M. Gandavo.Tratado da Terra do Brasil. História da Província de Santa Cruz. B. Horizonte, Itatiaia, 1980, p.144/ 145

[53]Raymond Faoro.. op.cit. p. 109

[54]"Hans Staden .op.cit.p. 74/ 75

[55]voir à ce sujet, Fernão Cardim, op.cit. p. 207 à 215

[56]idem, ibid. p. 201

[57]idem, ibid. p.175

[58]Alphonse d'E. Taunay.São Paulo  nos primeiros anos ( 1554-1601) Tours, E.Arrault et Cie.1920,p.35, 77/79 ,116/117

[59]Frédéric Mauro. op.cit. p.56

[60]R. Vainfas. Trópico dos pecados, R.J. Campus, 1989, p.53 . Cette analyse s'étend de la page 15 à la page 53.

[61] voir Hans Staden. op.cit. cette histoire est raconté dans l'introduction de Francisco Assis Franco.

[62]Ã ce propos, voir Frei Vicente de Slavador,op.cit. p.126 et 191 et  Gabriel Soares de Souza.op.cit.p. 84

[63]P.M. Gandavo.op. cit. p.25

[64]Alphonse d'E. Taunay. op.cit.p.107

[65]/llphonsed'E. Taunay. História Seiscentista da villa de São Paulo., S. P. 1924, p. 16/ 17

[66]idem. São Paulo ... op. cit.  p. 101

[67]Hans Staden.op.cit. p.9

[68]Frei Vicente de Salvador.op.cit.p.273

[69]R. Vainfas.op.cit. et Lygia Bellini. A coisa obscura. S.P. Brasiliense, 1987.

[70]Michel Foucault.Microfísica do poder. R.J.. Graal,1988, p. 175 à 177.

[71] voir, pour cette analyse, Laura de Mello e souza  op cit  p. 32 et suivantes, p.72 et suivantes

[72]P.M.Gandavao.op.cit. p. 81 et 102

[73]pour ce qui concerne les monstres, voir Frei Vicente Salvador,op.cit. p.68 ; Gabriel Soares de Souza,op.cit. p.278 ;F. Cardim.op. cit. ,p.57 ; P.M.Gandavo op.cit. p.119-120

[74]Claude d'Abeville. op. cit.p.159

[75] voir, à ce sujet,F. Cardim. op.cit.p.66 à 68

[76]voir l'analyse de Michel de Certeau, op.cit. chap.V et Michel Foucault.As palavras e as coisas, S.P.,Martins Fontes, 1987, chap. II et III.

[77]P.MGandavo.op.cit. p. 57

[78]"F. Cardim.op. cit.p..113

[79]P.M. Gandavo.op.cit. p. 128/129

[80]idem, ibid,p. 136

[81]ïn R. Faoro. op.cit. p. 199/200

[82]Michel de Certeau. op. cit.  p.227

[83]G. Thomas.op. cit. p. 20

[84]Gilberto Freyre , op. cit. p. 116

[85]voir P.M. Gandavo. op,cit.p. 128 ; G.S.Sousa.op. cit. p.302 ;Frei Vicente Salvador. op. cit. p.73

[86]P.M. Gandavo. op. cit.p. 58

[87]idem, ibid.p. 128 et Claude d'Abeville.op.cit. p. 235/ 236

[88]voir à ce sujet Florestan Fernandes. op. cit.p. 56 et 162/63 et Claude d'Abeville. op.cit. p. 223

[89]voir A.  Métraux. A religião dos Tupinambás. S.P., Nac/ USP, 1979, p. 120 à 122; F. Cardim. op. cit. p. 110/ 111, C. dÁbeville.op. cit.p. 235/ 236

[90]voir A. Métraux. op. cit.p. 145 et F. Cardim, op. cit. p.103

[91]voir C.dÁbeville.op. cit. p. 222/223 et  A.Thevet. Singularidades da Fran;ca Antartida. S. p., Nac., 1944, p.253

[92] voir, à ce propos, A. Thévet. op, cit. p. 214 à 220 et 278 ;P.M. Gandavo, op. cit. p. 52/ 54 ; A.Métraux.op. cit. p. 67 et 76.

[93]voir Gandavo. op. cit. p. 34 et 1140 /141 et Thévet. op. cit. p. 229 et 235, par exemple.

[94]idem, ibid. p. 58 et 128

[95] voir P.M. Gandavo.. op. cit. p.308; Claude Lévi-Strauss. Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955, p. 361 et Gilberto Freyre.op. cit. p. 130

[96]voir à ce propos, A. Thévet. op. cit. p. 372 à 379 et les notes.

[97] "Paul Veyne. Acreditavam os gregos em seus mitos? S.P. , Brasiliense, 1984, p. 107

[98]Genevièv ePastreAthènes ou le péril saphique. Paris, 1987. p. 44

[99]"Michel Foucault. L'ordre du discours. Paris, Gallimard, 1971, p46

               100. idem. Arqueologia do saber. R.J. Forense Universitária,1987,p.193