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Idées désincarnées ? quelques
réflexions sur les actions affirmatives
Les féministes américaines et françaises qui demandaient
la parité femme/homme en politique ont souffert des critiques acerbes
et hargneuses d´une certaine gauche et de quelques courants féministes
français au nom de la neutralité d´un sujet abstrait, porteur des valeurs
universelles, comme l´a si bien analysée Joan Scott (Scott, 2001) On a toutes
déjà entendu dire et répéter que
« les idées n´ont pas de sexe » : doit- on ricaner ou
encore s´énerver devant la mauvaise foi qui fait table rase des pratiques
sociales d´exclusion sous prétexte de genre, race, classe?
Cette perspective n´est que
le renouveau de la politique des idées « désincarnées », de
l´oubli des pratiques et représentations sociales qui forgent des individus sexués pour mieux
les départager dans l´exercice du pouvoir. Les personnes ainsi crées par les relations sociales,
en des lieux d´autorité, de parole, d´action permise ou
interdite vivent la réalité d´un quotidien hiérarchique, tissé de valeurs
et normes, exprimées par les idées
et les codes. Et les codes politiques créent de citoyennes de deuxième
catégorie nommées femmes à partir de la sexualisation
de l´individu.
Ainsi, si l´idée
du sujet universel s´est habituellement représentée
par l´individu mâle de espèce, comment ne pas revendiquer
la spécificité pour l´obtention d´une place au soleil ? Évidemment
cette perspective qui donne emphase à la différence des sexes renforce
la division et la hiérarchisation elle-même. Mais
pourquoi vouloir à tout prix nier le paradoxe qui nous habite ? Ceci
n´est que le résultat des mêmes
cadres de pensée qui sont à l´origine du « sujet universel »
.
La notion d´ « expérience »
énoncée par Teresa de Lauretis
( Lauretis, 1984) répond à cet interminable débat : ancrée dans le
lieu de parole et d´action de chaque femme – tenant ainsi en compte les
pratiques sociales et quotidiennes-
les revendications des femmes pour un statut et une voix dans le politique
mène à la déstabilisation du sujet universel masculin, ouvrant le chemin
à un nouveau champ de relations entre
personnes, puisque égales de droit et de fait.
Outrepasser les prémisses habituelles d´une philosophie
à valeurs universelles paraît être toujours aussi pénible : les cadres
binaires de pensée nous font passer du noir au blanc, du bon et du mauvais,
du féminin au masculin. Comment s´y dérober, comment défaire la trame
des tessitures sociales sans d´abord
les habiter, sans les incorporer pour mieux montrer leur caractère d´invention
, de création au sein des pratiques politiques du droit, des vérités,
du quotidien ?
La « querelle des femmes du XXe » siècle, ainsi
nommée par Joan Scott
pour étudier la lutte pour la parité politique en France cesse d´exister
lorsque les féministes refusent de se laisser prendre au jeu des débats
désuets sur la cohérence et l´abstraction du sujet – femme
ou homme. Sujets politiques, oui, crées
par des relations et représentations
sociales, elles mêmes construites et inventées au sein
des pratiques sociales. Pas d´opposition
entre le « déterminisme sociale »
et « l´individualisme conscient » : le clivage binaire
alimente ces oppositions et se
pose en tant qu´ arbitre du débat :
ou l´un ou l´autre. Pourquoi l´un doit-il nécessairement
exclure l´autre ?
Sans doute faut-il un peu d´imagination sociologique pour
nier « les idées sans sexe » , car le « sujet universel »
nous hante encore ; mais aussi de l´imagination historique pour penser
des stratégies de changement dont les présupposés seraient dérangeants
ou étrangers au cadre binaire des oppositions .
Dire , par exemple,
que les femmes n´apportent pas
de perspectives autres dans l´exercice du pouvoir politique est nier la
construction sociale du féminin, l´optique qui a fondé les mouvements
féministes contemporains et la catégorie « genre » ;
un féminin crée de toutes pièces, oui , mais tout autant réel dans un quotidien lourd de contraintes
, de violences matérielles et symboliques, dont l´exclusion politique,
l´absence des espaces de pouvoir. Étant donné le poids des représentations
sociales lors du partage de l´humain
en deux catégories primaires –femme / homme – il me semble évident que
les femmes expriment des valeurs qui leur ont été inculquées avant même
d´être nées ; sinon, elles seraient des hommes.
L´assujettissement aux normes sociales
n´est pas du tout incontournable, car là où il y a résistance les transformations
s´amorcent. Mais on ne peut pas nier l´expérience , les contraintes
et l´appel incessant pour « être femme » , la « vraie
femme », l´épouse et la mère dédiées au foyer , mari/ enfants.
Les femmes qui s´engagent en politique souffrent aussi des doubles journées
de travail, du blâme implicite qui les poursuit pour s´éloigner de leurs
tâches « naturelles », du maintien d´une division du travail
traditionnelle. Mais cette
spécificité imposée par le social peut devenir
une arme pour défaire l´hiérarchie sexué car la présence des femmes dans
tous les postes tend à modifier
l´imaginaire social qui les discrimine.
Le débat autour d ‘ un « essentialisme »
présent dans les revendications des femmes me
semble désuet et anachronique, prisonnier des sillons binaires de la pensée
occidentale et des vieilles questions provenant d´un humanisme à prétention
universelle. En effet, les sujets humains sont de sujets politiques et
si les comportements sociaux sont appris il ne
sont pour autant moins réels.
Le développement des mouvements des femmes a subi l´obstacle
de ceux dont « [… l´ arrogance affirmaient que
les idées pouvaient être séparées de la présence, souligne Anne
Phillips ( Phillips, 2001 :274). La réaction, cependant, a été l´affirmation
d´une politique de présence.
La présence et l´action affirmative
Être présente, avoir droit de parole et de décision
c´est un grand pas pour des changements plus approfondis et la transformation
des relations sociales/sexuelles/de sexe est un point commun à tous
les féminismes.
Une politique de présence et d´actions
affirmative sont donc mises en œuvre par
une pléthore de mouvements féministes, notamment à partir
des années 90, qui s´articulent aux femmes élues aux différents niveaux
du Parlement brésilien et ont comme ligne d´action la création des candidatures
et du leadership féminin . La question de la représentativité se
pose alors : qui peut représenter
qui ? La problématique se déplace alors d´une notion de « différence »
qui s´applique aux idées et opinion pour celle de la «
représentation adéquate » « [… qui implique une représentation
plus pointue des différents groupes sociaux qui composent le corps des
citoyens »(Phillips, 2001 :273) Cette perspective apparaît comme
éminemment pratique et peut mener à des réformes immédiatement possibles,
comme les systèmes de quotas en bénéfice des femmes aux parlements de
plusieurs pays, 11 actuellement dans le monde. ( PNUD,2002)
Les catégories d´ « empowerment »
et « advocay » font partie d´un vocabulaire très présent de
nos jours pour tous genres d´action
politique féministes. L´ « empowerment » , de façon générale
, prétend donner aux femmes le pouvoir de connaître, de penser ,
d´agir librement, réaliser leurs potentialités
, avoir l´équité des revenus, des opportunités et les réseaux féministes
brésiliens travaillent dans ce sens,
suivant le chemin prôné par la IV Conférence Mondiale sur les Femmes, à Beijing. .
Dans ce créneau nous trouvons les actions menés pour la formation du leadership
politique : les femmes parlementaires , formées en groupe à
partir de 1987 ( Bancada
Feminina -) et les groupes féministes
ont mené plusieurs campagnes , dont « Les femmes sans peur du
pouvoir » qui a lancé un manuel destiné aux candidates aux élections
en août 1996 et le projet Participation égalitaire des Femmes aux instances
de décision municipales (Costa,1998 :214/215), avec l´appui de l´UNIFEM et
du PNUD . Il est important de signaler que
les réseaux féministes brésiliens s´articulent entre
eux et utilisent les fonds mis
à la disposition des groupes de recherche et action pour la promotion
du statut des femmes.
En effet, l´alliance des femmes parlementaires et
des groupes de femmes est considérée par
le Rapport du Développement Humain de 2002 comme une stratégie d´
« empowerment » ; il reconnaît ainsi que les résultat négatifs obtenus
par les femmes dans le tableau du développement mondial
est dû aussi à leur faible participation ou
à l´impact moindre de leurs voix dans les instances politiques. (PNUD,2002 :24)
La formation des leaders femmes et leur capacitation pour l´exercice du
pouvoir politique a été prioritaire dans les rangs des organisations féministes
brésiliennes. Quelques unes, comme le Cfêmea, ( Centro
Feminista de Estudos
e Assessoria) travaille en étroite
collaboration avec les femmes élues , leur fournissant données, études,
assesseures pour mettre en oeuvre l´ « advocay » féministe.
Dans la perspective d´une politique de présence, l´ « advocacy »
se réfère aux tactiques de pression politique et à l´articulation des
organisations civiles pour donner
une meilleure visibilité à certains thèmes et influencer l´adoption de
politiques publiques. Des objectifs et des campagnes spécifiques
sont définis pour, non seulement changer les attitudes et les comportements,
mais également stimuler les changements
des politiques publiques, de la législation, du budget et de distribution
des ressources. (IBASE,2002)
Les actions affirmatives donc, mettent en pratique ces
deux perspectives , « empowerment » et « advocacy »
“[… pour affirmer, récupérer, redistribuer les droits[…] équilibrer les
relations de genre, race/ethnie, générations ce qui ne manque pas de créer
des polémiques lorsque la décision peut entraîner une plus grande
division des pouvoirs. »(Sonia Miguel,2000).Qui dit mieux ?
références
Phillips, Ann.2001. De uma política de idéias a uma política
de presença? Estudos feministas, vol.9, n.1, pp.268-290
Miguel, Sonia Malheiros. 2000. A política de cotas
por sexo, um estudo das primeiras experiências no Legislativo brasileiro
, C
PNUD, 2002 .
http://www.undp.org.br/HDR/HDR2002/default.asp , octobre 2002 ( consultation
Costa, Delaine Martins. 2001.Capacitação de líderes
femininas: uma reflexão sobre a experiência do IBAM, Estudos feministas,
, vol.9, n.1, pp.213-224
De Lauretis, Teresa. ( 1984) Alice Doesn’t, Feminism
, Semiotics, Cinema, Bloomington, Indiana University Press
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